Un allongé avec Charlotte Gainsbourg

En ce dimanche de changement d’heure, il est 11 h ou midi, selon les pendules du bar du Sofitel à Strasbourg. Charlotte Gainsbourg commande un thé vert et un double expresso avec de l’eau chaude et des glaçons : « J’ai un problème avec la température des boissons », admet-elle. Entretien sans tiédeur à l’occasion de la sortie de La Vie pour de vrai de Dany Boon.

Charlotte Gainsbourg par Dorian Rollin
Charlotte Gainsbourg est à l'affiche de "La vie pour de vrai" de Dany Boon. © Dorian Rollin

Vous n’habitez plus à New York ?
Je me sentais trop loin de ma famille, de mes valeurs. Après l’épisode du Covid, la violence de Trump et l’affaire Floyd, j’ai ressenti un besoin d’Europe : avec Yvan et nos trois enfants, nous sommes retournés en France. Ça n’a pas été facile, l’après-coup, ce calme suivant la tempête, m’a conduit à la dépression…

Dans La Vie pour de vrai on voit une capitale française de carte postale, puis une vision CNews de celle-ci, à feu et à sang… Quel est votre Paris ?
Je suis très nostalgique du Paris des années 1980, époque de mon premier amour de cette cité. C’était le moment de la séparation de mes parents : je prenais le métro seule, allant du XVIe où vivait ma mère pour aller chez mon père, rue de Verneuil. C’était magique : papa m’amenait dans des drugstores pour acheter des gadgets ridicules, comme un gosse, ou dans des boutiques pour dégoter des VHS en import américain : on se faisait des projections à la maison.

Vous viviez dans le luxe ?
Oui, mais même au Ritz ou au Raphael, mon père gardait des yeux d’enfant. Il m’a transmis sa spontanéité, son absence de snobisme… Je suis née à Londres, mais je me sens totalement Parisienne ! On dit beaucoup de mal des Parisiens, mais ma vision est déformée car on m’offre beaucoup de sourires, de cadeaux… [Un pouêt-pouêt retentit : Daphnée, la chienne de Charlotte, magnifique bull terrier blanc, s’énerve sur une bretzel en caoutchouc donnée par l’hôtesse d’accueil de hôtel.]

Dans le film, il est beaucoup question de simplicité et d’humilité. Des mots qui vous définissent ?
L’humilité oui, mais j’y était forcée. Les gens aiment d’abord mes parents… qu’ils respectent avant tout. J’ai toujours été dans l’obligation d’entendre ce message-là.

Qu’est-ce qui traverse le temps ?
Le manque. Ça s’apaise, mais ça reste. Serge [Gainsbourg] et Kate [Barry] manquent terriblement à toute la famille.

Et l’art ?
Oui, la musique traverse également le temps, celle de Bach par exemple : elle est à la fois dynamisante, relaxante et exaltante. Bach provoque quelque chose de l’ordre de l’équilibre chez moi.

Égérie d’Yves Saint Laurent, comédienne, chanteuse… Dans quelle catégorie vous sentez-vous le plus légitime ?
Le cinéma, sans hésitation.

Au ciné, vous faites d’incroyables grands écarts entre Chéreau et Gondry, Lars Von Trier et Dany Boon…
[Venu de nulle part – en fait de sa chambre d’hôtel – Dany Boon débarque pour demander à Charlotte de se dépêcher : il faut vite déjeuner et reprendre la route.] Chez Lars Von Trier et Dany Boon ? Je suis une nympho dans les deux cas [rires] ! J’aime beaucoup participer à différents univers. D’un tempérament calme, timide, réservé, je ressens un fort besoin de sensations d’extrêmes.

Vous avez été servie avec Lars Von Trier…
On peut dire ça, oui ! Les réalisateurs sont des excuses, des prétextes pour me permettre de sortir de moi-même, de ma personnalité.

Vous souvenez-vous de votre première ivresse ?
Oui, une cuite mémorable lors d’une fête sur le tournage de L’Effrontée de Claude Miller. J’avais 13 ans et j’avais mis de la vodka dans ma bouteille d’eau ! J’ai essayé d’avoir l’air normale une fois rentrée chez ma grand-mère, mais je titubais lamentablement… [C’est au tour de Kad Merad de nous interrompre et ainsi clore le sketch entamé par Daphnée : « Désolé, mais on ferme ! » OK, vite, une dernière question.]

C’est quoi la vie pour de vrai ?
Aucune idée : je flotte entre rêve et réalité en m’y accommodant totalement.


La Vie pour de vrai de Dany Boon (avec Dany Boon, Charlotte Gainsbourg, Kad Merad) à l’UGC Ciné Cité Strasbourg (sortie le 19 avril).


Par Emmanuel Dosda 
Photo Dorian Rollin