Entretien avec Jeanne Added

By your side, troisième album de Jeanne Added, défend une pop électronique chaleureuse et organique, par celle qui avait « besoin de creuser la terre ». La chanteuse se produira le 8 juin à La Laiterie. Rencontre à cette occasion.

Jeanne Added — © Camille Vivier
Jeanne Added, photographiée par Camille Vivier

Après des mois de confinement lors duquel l’album a été écrit puis enregistré à l’automne 2021, celle dont le corps semble tant nécessiter le mouvement, l’absence de contraintes, avait hâte de reprendre les répétitions et de remonter sur scène. Surtout, elle voulait créer un spectacle, « réfléchir aux lumières, aux sons » car c’est, dit-elle, « mon endroit de plaisir et de recherche, où j’avance. »

Depuis « Air », EP réalisé en 2020, Jeanne Added désirait « plus de souplesse, d’élasticité ». Si on retrouve dans « By your Side » la même chaleur, la même humanité que dans « Air », l’artiste voulait « faire une musique qui puisse être jouée, justifiée avec des musiciens sur scène, moins métronomique. »

Pour cette tournée, Jeanne Added se produit avec six musiciennes et musiciens, chanteuses et chanteurs, qui sont toutes et tous, à l’exception du batteur Emiliano Turi, « de nouvelles personnes avec qui j’avais envie de travailler, notamment des filles pour qui j’ai eu un gros crush et dont j’admire le travail ». 

C’est avec le producteur Renaud Letang que Jeanne Added a enregistré « By your side » aux studios Ferber. « J’avais très envie de travailler avec Renaud, il aime les voix et il sait les faire sonner. C’est ce que je recherchais, trouver la juste hauteur, la juste intensité. Entre les notes, lovée au milieu des fréquences et des rythmes, dans chaque inflexion de la voix, je donne tout. » 

Jeanne Added © Camille Vivier
Jeanne Added, photographiée par Camille Vivier

Dans la continuité de « Be sensational », son premier album, puis de son deuxième « Radiate », « By your Side » continue d’exploiter les thématiques de la rupture, de l’être ensemble, de la relation sensuelle et charnelle aux éléments – la terre et l’air principalement. Sa poésie (chantée en anglais et en français sur deux pistes) est intime tout en étant politique, particulièrement au sens étymologique du terme, pour faire société avec.  Ce besoin de communauté – voire de tribalisme – semble particulièrement évident dans les clips de « Another place » et « Au revoir ». C’est dire combien le titre de l’album est éloquent tant Jeanne Added semble aimer être aux côtés des autres (en écho au titre de l’album) combien elle aime mettre en scène leurs corps, dans toute leur diversité ethnique, sexuelle, physique… Avec sensualité.

En même temps – et c’est particulièrement identifiable avec « Au revoir », dans les paroles et dans le clip, le désir de la présence auprès d’autrui entre en conflit avec la nécessité de l’éloignement physique. C’est probablement la raison pour laquelle cet album est finalement l’histoire d’une émancipation, traversé de tendances contraires – sans être contradictoires – entre la velléité du départ, de l’envol et d’un autre côté celui de l’ancrage, de la pesanteur. Jeanne Added reconnaît ce paradoxe : « J’ai l’impression d’avoir flotté dans ma vie et de ne pas avoir eu de possibilité d’ancrage. Or l’ancrage crée un sentiment de sécurité. C’est ce que je recherche désormais. Paradoxalement, c’est une libération. » La pochette de l’album joue d’ailleurs de ces désirs contraires, de cette situation entre-deux, à mi-distance de la terre (motif récurrent de l’album, sorte d’obsession que reconnaît l’artiste : « Avec cet album, j’ai vraiment creusé la terre ») et du ciel.

Avec tendresse, mélancolie, puissance et intensité, celle dont la musique « lui sauve la vie tous les jours », la musique qui « fait partie des choses qui font le moins de mal dans ce monde », nous offre généreusement un peu de sa chaleur humaine – par sa présence magnétique et la force de sa voix – et le secret de la vie heureuse : vivre libre, auprès des autres mais aussi auprès de soi, en communion avec le monde.


Concert de Jeanne Added
➔ 8 juin 2023
La Laiterie à Strasbourg


Par Clémentine Gourdon
Photos Camille Vivier