Orwell à point nommé

Parcelle brillante, sixième et dernier album des Nancéiens d’Orwell, était totalement passé à l’as durant le premier confinement. Au nom de l’internationale pop, tendance classieuse, Zut fait son mea culpa.

Jérôme Didelot Orwell
Jérôme Didelot, tête pensante d'Orwell © Damien Raynaud

Reconnaissons que nous étions passés totalement à côté de Parcelle brillante, sixième album d’Orwell, sorti au printemps 2020 durant le premier confinement où on avait préféré se découvrir en apprenti boulanger à mesure des stocks de farine en circulation dans les grandes surfaces. Tout compte fait, c’est à la faveur d’une insomnie associée à un algorithme plutôt bien foutu que nous nous sommes retrouvés, à vrai dire en pyjama et donc fort dépourvus, face à Sunny Songs For Winter, dernier EP des Nancéiens, paru à Noël et comportant quatre reprises renvoyant à des songes passés (Mr Pleasant des Kinks, Finistère de The Lilac Time, The Man With All The Toys des Beach Boys et l’impeccable Flying de Joe Raposo, extrait de la série pour enfants Sesame Street). Le tout est désormais téléchargeable depuis le Bandcamp du groupe, dans la foulée de Parcelle Brillante, disque sur lequel on croise Armelle Pioline, chanteuse d’Holden.

Parcelle brillante, dernier album d'Orwell
Parcelle brillante, sixième et dernier album d'Orwell, est sorti en 2020.

Des trésors cachés ressortis de la malle secrète de Jérôme Didelot, tête bien pensante de cet ensemble protéiforme d’à peu près 20 ans d’âge, ayant notamment vu éclore Cascadeur et Variety Lab.
Au réveil, la session de rattrapage avait fait partie des cases à cocher de la journée télé-travaillée, quitte à se montrer d’abord tout penaud au moment de composer le 06 de l’interviewé toutefois enclin à l’idée du flash-back. « Je suis très philosophe par rapport à tout cela, dit-il. Ce groupe existe depuis près de vingt ans. Il a eu plein de moutures avec des hauts et des bas. Au début, on avait quand même un peu d’aspirations, parce qu’il y avait un petit frémissement avec les maisons de disques, tout ça. En fait, cela ne s’est jamais vraiment concrétisé. On avait juste signé sur un petit label parisien pour nos deux premiers albums. Si tu es vraiment ambitieux, tu changes de groupe, de projet, jusqu’à ce que tu arrives à nouveau à éveiller l’intérêt. Mais moi, j’aime bien faire des disques tranquillement. On ne vend pas beaucoup mais suffisamment pour pouvoir faire d’autres disques ensuite. Même si ça peut paraître frustrant, c’est pas mal de pouvoir se dire qu’on peut exister comme ça. »

Science-fiction

L’an dernier, la sortie de Parcelle Brillante avait généré un flux de chroniques enthousiastes. Aussi bien de la part de la presse spécialisée que de la presse quotidienne générale — la fameuse PQR qui héberge encore, sous les écailles des rotatives qui suintent d’une encre subtile pour relater entre autres de faits divers sans cesse renouvelés — dont on recense quelques vieilles plumes pour qui l’harmonie n’est pas forcément municipale. 

Rétrospectivement, on ne nous en voudra guère de dire que Parcelle brillante s’est laissé désirer. Cinq ans semblent s’être écoulés, tranquillement au rythme de la Meurthe, depuis l’opus précédent. De ces méandres à rallonge, Jérôme Didelot présente un alibi béton. Celui d’avoir replongé dans la science-fiction, vieil amour de jeunesse, pour lequel il a dépoussiéré l’oeuvre de Theodore Sturgeon. Au début, il était juste question d’une conférence. Puis de plusieurs jusqu’à ce qu’il coordonne une anthologie sous forme de mook. Cette immersion dans l’oeuvre de l’écrivain américain a rejailli sur la mission Orwell, dont le titre du dernier album Parcelle Brillante n’est autre que l’intitulé d’une nouvelle de ce précurseur de la science-fiction ayant mis la main et le plume au scénario des premiers épisodes de la série Star Trek.

Reste ce patronyme d’Orwell, plus ou moins pris à la hâte au début du siècle parce que « ça sonnait bien » et que ça évoquait « quelque chose d’assez noir aux antipodes de notre musique qui est plutôt idéaliste. » Bien avant que l’adjectif orwellien trouve sa place dans le Larousse et qu’un groupe de metal, voire un autre de techno, opte pour le même nom. Avec, à la clé, une sévère confusion des genres sur les plateformes dédiées à la respectable formation nancéienne, apôtre d’une certaine élégance à l’échelle de la pop… C’était le monde d’avant, celui d’aujourd’hui se compose toujours avec le secret plus ou moins bien gardé d’Orwell.


Pour écouter où télécharger Sunny Songs For Winter, le dernier EP d’Orwell, c’est ici.


Par Fabrice Voné