Entretien avec Caroline Guiela Nguyen

Caroline Guiela Nguyen, nouvelle directrice du Théâtre national de Strasbourg, présente deux spectacles cette saison : son SAÏGON de 2017 et sa création LACRIMA. Du sur-mesure. De la haute couture. 

Spectacle Saigon © Jean Louis Fernandez

Inclusivité, ouverture sur le monde, brassage de sexes et d’origines sur le plateau… Peut-on considérer vos spectacles comme des manifestes qui reflètent votre façon d’envisager la direction d’un théâtre ? 

Je peux difficilement mettre le mot « manifeste » sur mes spectacles. Ce qui est certain, c’est que ne parviens pas à écrire si je ne projette pas des personnes venues de tous horizons sur scène : c’est la sève de mon écriture qui est faite de gestes artistiques viscéraux. Lorsque j’étais encore élève au TNS, il me manquait ces gens, issus de contrées diverses, pour nourrir mon imaginaire. Ce n’était pas encore une question politique pour moi, mais aujourd’hui, si je mets ma casquette de directrice de théâtre, c’est une volonté, une revendication, d’avoir le plus de profils possible au plateau et dans les salles ! 

SAÏGON a déjà été montré au TNS en 2018. Le rejouer ici en 2024 est une manière de vous présenter aux Strasbourgeois ? 

Oui, complètement car il est fondateur de l’édification de ma compagnie, Les Hommes Approximatifs. Aussi, même s’il n’est pas autobiographique, SAÏGON, qui mêle déjà comédiens professionnels et amateurs, parle de la communauté vietnamienne à l’époque post-coloniale. Ma mère à quitté le Vietnam pour la France en 1956 et son vécu résonne forcément avec la pièce qui, selon moi, raconte surtout une séquence de l’Histoire de France.  

Considérez-vous le théâtre comme de la dentelle, de la broderie ? 

Vous faites référence à LACRIMA, ma nouvelle création… J’ai pour habitude de placer les comédiennes et comédiens autour d’un axe. Avec SAÏGON, la nourriture était centrale : celle qui rappelle le pays d’origine des personnes exilées. Dans LACRIMA, c’est le tissu. C’est beau car tous ces fils les lient, les rattachent alors qu’ils sont d’horizons divers, de générations différentes. Je suis heureuse de pouvoir créer ça ici, au TNS qui a un magnifique outil en son sein : son atelier de costumes. 

LACRIMA : ce nom signifie que le public va une nouvelle fois pleurer dans les gradins ?

On peut me reprocher de mettre beaucoup d’émotion dans mes spectacles, mais je le revendique. C’est ma came !

Caroline Guiela Nguyen et G48 © Jean-Louis Fernandez

Saïgon 
19 → 26 mars

Lacrima 
14 → 18 mai
TNS (Salle Koltès)
tns.fr


Par Emmanuel Dosda
Photos DR