Vous avez d’autres projets ?
Tout se fait sous forme de cycles. Avant Gilgamesh Variations, il y a eu un premier cycle, où j’ai beaucoup travaillé sur l’écriture personnelle et l’écriture de soi, qui sont des thèmes qui me touchaient personnellement. J’ai amené ces thèmes avec mon corps et mon esprit sur le plateau. La jouabilité est le deuxième cycle. Cela risque d’influer sur mon travail par la suite mais il est aussi possible que je travaille sur des choses plus écrites, plus figées. Il est aussi possible que j’utilise l’improvisation, pas comme un outil dans le jeu de l’acteur, mais comme un outil d’écriture scénique et textuelle.
Quel serait le prochain cycle ?
Après Gilgamesh Variations, je travaillerai sur l’écriture du spectacle La Personne en novembre 2023 à la Manufacture de Nancy. Ce spectacle sera joué en février 2024 à La Pokop de Strasbourg. Il traite du mystère, mais aussi de l’attrait et de la répulsion simultanés que l’on éprouve pour l’inconnu et le mystère. Je pars de l’hypothèse d’un jeune homme qui rencontre une situation inquiétante : plutôt que d’appeler la police, il continue à vivre comme si c’était normal. Ce projet raconte l’enquête intime sur une personne à la réaction non conventionnelle face à l’inconnu. Mon autre projet est le spectacle de cabaret. Je ne me suis pas encore décidé sur le titre : « Cabaret monstrueux » et « Cabaret fantôme » ne me plaisent pas. Je vais réunir des artistes de différentes disciplines : des circassiens et circassiennes, des danseurs et danseuses, des peintres, des fakirs afin qu’ils répondent à une commande autour de la peur. Ils vont utiliser leur art pour susciter la peur chez le public. Je vais les superviser dans ce cheminement en les aiguillant un peu. Ils seront tous auteurs et autrices autonomes et je vais créer un spectacle autour de leurs créations. Sa création se fera en mai 2024 à La Pokop de Strasbourg.
Le processus expérimental présenté par Gilgamesh Variations semble presque être un retour à la narration des épopées antiques par les aèdes comme Homère, où l’auteur décide des variations qu’il fait subir à son histoire, à partir d’un texte canevas…
Cela fait des années que je relis l’épopée de Gilgamesh pour comprendre pourquoi elle me fascine. J’essaie de trouver la clé de ce texte. J’estime que la jouabilité des esthétiques dans Gilgamesh Variations est une manière de requestionner le passé, pas d’y revenir. Le passé est le fondement de notre société qui repose sur ce texte, source d’inspiration de nombreuses religions.
Ou est-ce, à votre avis, le futur du théâtre contemporain?
Beaucoup de théoriciens ont créé des méthodes de jeu à suivre, supposément. Moi, je crée un chemin possible. La jouabilité s’inscrit dans les réalités sociale, économique et écologique. Je cherche à procurer au spectateur une expérience différente. La nouveauté, c’est l’étrange. Avec Gilgamesh Variations et mon travail de recherche, je ne vise pas à inventer le théâtre de demain mais un théâtre singulier. Je cherche à créer quelque chose qui me dépasse, qui m’étonne de moi-même et des autres. L’expérimentation, c’est accepter que le résultat nous échappe…
Gilgamesh Variations
25 → 27 mai 2023
La Pokop à Strasbourg
Par Laure Villard
Photos Teona Goreci & Louise Guillaume