"Une exposition" : Rendre visible les femmes artistes

Juliette Steiner, plasticienne et metteuse en scène d’ « Une exposition », propose un sujet peu représenté sur scène : le montage d’une exposition. L’artiste et les œuvres sont fictives mais s’inspirent de grandes femmes de l’Histoire de l’art et de certaines moins connues car invisibilisées. Les 4,5 et 6 avril au TJP.

©Michel Grasso

Comment vous est venue l’idée de cette pièce ?

Elle est née d’un désir de parler de la question des artistes femmes. C’est le fer de lance de la compagnie : la marge et la représentativité féminine. J’ai étudié à la HEAR il y a une dizaine d’années et ces questions-là m’avaient traversées étudiante. Comment on se construit en tant qu’artiste femme avec des références manquantes. En Histoire de l’art, on ne m’a quasiment pas montré d’œuvres de femmes. On parle de « maîtres à penser », alors que le mot « maitresse » évoque une amante. Et mon deuxième point c’est la spoliation du travail des femmes. Quand j’ai découvert que l’urinoir de Marcel Duchamp aurait été créé en réalité par une artiste dada, Elsa von Freytag-Loringhoven, ça a fait « tilt » ! Cette histoire est le symptôme de quelque chose de plus grand : l’invisibilisation des femmes.

©Michel Grasso

C’est Elsa von Freytag-Loringhoven qui a inspiré Julia Armutt, l’artiste inventée pour cette pièce ?

Elle a clairement inspirée le personnage de Julia Armutt oui ! Une exposition c’est l’histoire d’une femme qui a vécu toute sa vie dans l’ombre de son mari artiste, Marcel Dupré (en référence à Marcel Duchamp). On découvre dans le spectacle que toute son œuvre a été mal lue du fait qu’elle était une femme. Il n’y a pas de regard universel d’une œuvre. Savoir qu’elle a été produite par un homme ou une femme change notre lecture. Nous avons aussi été inspirés par Louise Bourgeois, Annette Messager, Sophie Calle, et d’autres artistes qui ont travaillé sur des installations et la question conceptuelle.

© Michel Grasso

Ce qui se passe sur scène reflète votre manière de travailler avec la compagnie ?

Oui tout à fait ! C’est un élément important dans le travail de la compagnie : il y a toujours une réflexion sur le fond et sur la forme. Sur scène, on voit le résultat de la réflexion menée dans la compagnie sur comment on peut œuvrer ensemble à quelque chose de commun, sans renier les spécificités de chacun, ses capacités propres. Les sept personnages de la pièce représentent ces problématiques. Au plateau, il y a différents métiers : quatre comédiennes, une comédienne chanteuse, une créatrice lumière et une créatrice son. Plus largement dans l’équipe, nous sommes pluridisciplinaires. Moi-même je suis plasticienne et metteuse en scène, la scénographe a aussi fait la HEAR, mon assistante à la mise en scène vient de l’architecture mais est aussi vidéaste, il y a une richesse plastique dans l’équipe.


« Une exposition », Mise en scène et dramaturgie Juliette Steiner, Cie Quai n°7
les 4, 5, et 6 avril au TJP – CDN de Strasbourg


Par Fanny Laemmel
Photos Michel Grasso