Le maître des épices, Rudy Meier.

Il s’est lancé en 2016, suivant sa passion et un instinct nourri par l’histoire familiale.
Le Strasbourgeois Rudy Meier distille ses conseils sur les marchés de créateurs pour convertir aux épices rares.

©Pascal Bastien
Photo de clous de girofle ©Pascal Bastien

Rudy Meier se sent investi d’une mission : faire aimer les épices aux Alsaciens, « au-delà de la cannelle, du clou de girofle et de la noix de muscade », taquine-t-il. Ce qu’aime le jeune homme dont le nom ne trahit pas ses origines vietnamiennes, ce sont « les saveurs un peu plus particulières ». Lui qui a grandi dans les cuisines du restaurant familial La Rivière, rue des Dentelles, a d’abord connu le poivre de Kampot (du Cambodge) et le poivre de Phu-Quoc (vietnamien). Puis il a cherché le méconnu, « pour les Européens, en tout cas » : le poivre vert des côtes, les baies de Timut au goût de pamplemousse – « qui fonctionnent bien avec le poisson blanc, le kiwi, ou la bière ! » – ou encore les baies de cannelier. « Elles ont un goût chaud et sucré, puis piquant, ça se mange comme un bonbon », explique-t-il, enthousiaste.

Strasbourg, 12 juin 2023. Rudy Meier, La Villa des Épices ©Pascal Bastien
Strasbourg, 12 juin 2023. Rudy Meier, La Villa des Épices ©Pascal Bastien

Petites quantités pour grande qualité

Mais comment devient-on sélectionneur d’épices ? À 29 ans, titulaire d’un master en biologie, Rudy Meier se lance comme ça, en apprenant sur le tas : « J’ai parcouru, entre autres, des vieux livres sur les épices, qui parlaient autant des conquistadors que des vertus digestives de la badiane. » Pour se fournir, il s’appuie sur des cousines globe-trotteuses qui lui dénichent un marchand pour le poivre de Madagascar et de Kampot. Ses baies de Ganshu proviennent d’un producteur camerounais, qu’il a lui-même contacté pour faire affaires. Puisqu’il n’a pas de boutique (pour l’instant !), Rudy stocke tout chez lui, au centre-ville. De toute façon, il importe de petites quantités. « Je fais tout tout seul, y compris le contrôle qualité », ainsi que l’ensachage dans des paquets de 20 grammes, qui vont de 4 à 7 € (pour la baie de Batack par exemple, un « faux poivre »).

Photo d'épices rouges ©Pascal Bastien
©Pascal Bastien

Éduquer les âmes et les papilles

Toutes ses épices sont en vente sur son site Internet, qu’il a aussi dû apprendre à gérer. Lui préfère les marchés de créateurs, la halle du Neudorf en automne, la place de Zurich au printemps-été, où il passe le plus clair de son temps à échanger. « Pour convaincre, je dois emmener dans un voyage culinaire », narre celui qui prône la proximité face à la concurrence des grandes surfaces. « Une bonne épice s’achète non moulue et vaut un certain prix », signale-t-il à ses clients très variés, jeunes et moins jeunes, plus ou moins aisés, qui viennent goûter sur son stand ou le font venir chez eux. Car Rudy Meier organise aussi des soirées dégustation, où il en apprend lui-même encore sur sa passion. « Décrire un goût, c’est difficile, et nous n’avons pas tous les mêmes papilles. Donc je compare mes sensations avec celles des clients. » Tel un chimiste, le spécialiste autodidacte fait aussi ses propres mélanges : curry, gomasio, zaatar... Son petit faible à lui ? L’ajowan, dont le goût « rappelle à la fois le thym et le cumin » et qu’il ajoute dans ses salades.


Pour pénétrer dans La Villa des Épices, on passe le 27 août par le marché des créateurs, place de Zurich.
lavilladesepices.net


Par Déborah Liss
Photos Pascal Bastien