La conversation prend un tour militant. Je cite le contre-exemple français de SEB que je connais bien. On évoque Citroën, l’automobile française qui ne fait plus rêver, Tesla, Mathis, Virgile Abloh et Louis Vuitton, le formatage généralisé, l’argent et le pouvoir, l’ordre du marketing et la folie de l’art… « De bien gros sujets pour un petit repas comme le nôtre », fais-je remarquer alors que débarque le dessert du jour, une spécialité catalane qui se mange sans faim. Y a-t-il des intolérances ? Non, personne, à part Henri.
Claude Grétillat avoue bien aimer la photographie d’Henri Vogt et être content de mettre un visage sur le nom. Henri lui confie être son fan et, sur le ton de la plaisanterie, lui en vouloir beaucoup de n’avoir jamais répondu à son mail quand il était en BTS. Éclats de rire, complices… Claude poursuit, placide : « Nous, on a notre petite vie de graphistes, tu vois. Honnêtement, notre produit, on veut le faire bien, on y met tout notre cœur, on essaie de rester entiers. » À lui qui ne se veut pas « graphiste auteur » selon le jargon du métier, mais « graphiste artisan », je demande s’il y a une signature Poste 4 : « On a une approche minimaliste, une économie dans les signes. On ne fait pas de la décoration. On se dit qu’on met en place des signes, des éléments qui sont identifiants. Quand on voit notre boulot, on doit se dire que c’est rangé. »
Et les projets d’Ayline ? D’abord un troisième livre de textes et de photographies « un projet assez complexe qui parle de mes trois années d’expérience à New York… sans présenter New York du tout. » Ensuite, une résidence d’artiste en Chine, avec l’Alliance Française : « Je vais y partir pour un mois, le mois prochain, dans une petite province rurale et pas du tout touristique. C’est ma troisième fois en Chine, j’y suis allé il y a 10 ans. » Enfin, l’enseignement : « À New York, j’ai fait une formation de prof de yoga. J’ai le titre. J’ai envie d’enseigner, que ce soit le yoga ou l’art, cette relation du corps et de l’esprit. Je me donne l’année pour voir dans quelle structure et com- ment ça va se faire. »
Il est 14h30. Je pousse ma valise à roulettes de Cadet Rousselle dans la rue de l’Écurie à Strasbourg. Je sors à l’instant de l’Ibérica, un petit resto de spécialités espagnoles, sous un soleil de plomb et sous le charme d’un bon déjeuner en très bonne compagnie.
Par Jean HansMaennel
Photos Henri Vogt
Ibérica
4, rue de l’Écurie
Strasbourg