La signature du bon goût à la Villa René Lalique

Aux pieds du Parc naturel régional des Vosges du Nord, berceau du verre et du cristal alsaciens, Wingen-sur-Moder offre une destination prisée pour une « recherche du beau plutôt que l’affichage du luxe », devise chère au joaillier René Lalique. 

Villa René Lalique
Plat de la carte automne 2022 © Karine Faby

Pour s’offrir une parenthèse gastronomique, culturelle aussi bien que naturelle, on se rend sur les terres d’adoption de René Lalique. En 1920, l’orfèvre visionnaire y a dessiné et fait construire une villa pour abriter sa famille lors de ses nombreux séjours en Alsace. S’il est aujourd’hui considéré comme le maître verrier Art déco, il innove à l’époque en faisant construire une manufacture de verre pour profiter des ressources locales : des verriers qualifiés, une terre sablonneuse riche en silice, ingrédient essentiel à l’alchimie du verre, des forêts capables de lui fournir l’indispensable combustible et une eau claire comme le cristal.

Villa Rene Lalique
Depuis quelques années, la villa d’origine, avec ses colombages et ses volets bleus, a retrouvé toute sa superbe et s’est agrandie d’une extension de verre.

Une maison de famille
Depuis quelques années, la villa d’origine, avec ses colombages et ses volets bleus, a retrouvé toute sa superbe et s’est agrandie d’une extension de verre, signée Mario Botta. Posée au coeur d’un parc de six hectares, celle-ci reflète toutes les nuances de vert et les couleurs automnales de la forêt alentour. Certains épicuriens viennent d’abord pour la table du chef Paul Stradner. Les plus chanceux restent dormir dans l’ancienne villa, littéralement habitée par l’ancien maître des lieux et labellisée Relais et Châteaux. Chacune des six suites 5 étoiles est inspirée d’un thème cher à Lalique : les hirondelles, la panthère, le dragon, le dahlia… et meublée dans le pur style Art déco.

Les anciennes photos de famille et la chambre qu’occupait René Lalique apportent au lieu l’âme très intimiste d’une maison particulière. On vient ici chercher l’évasion, une plongée dans le bon goût, à prolonger selon les centres d’intérêt de chacun par une visite du Musée Lalique à quelques minutes seulement, une balade ressourçante dans les hautes forêts vosgiennes ou une partie de golf sur le green de Bitche. 

Paul Stradner
Le chef Paul Stradner. © Agence Douzal

Un chef inspiré par le terroir
Côté restaurant, dans le nouveau bâtiment entièrement vitré, le spectacle se joue à 360° : par les larges baies vitrées, dans la cuisine ouverte mais silencieuse, dans les objets signés Lalique qui habillent les lieux et dans un art de la table et du service toujours attentionné sans être compassé.
Successeur et digne fils spirituel de Jean-Georges Klein, Paul Stradner emmène aujourd’hui sa table (2 étoiles au Michelin 2022) sur les chemins d’une cuisine de goût, largement inspirée par son parcours et par les artisans du terroir. Originaire de Styrie, en Autriche, à deux pas de la Slovénie, ce fils d’éleveur trouve dans ses origines paysannes l’amour des beaux produits, bruts, bio et surtout locaux. « Les produits nobles sont incontournables pour une table étoilée, assure le chef. Mais j’aime respecter les saisons, limiter le gaspillage au maximum, introduire dans mes plats des ingrédients simples, comme le pois chiche ou l’huile de courge. » Ils composent deux entrées surprenantes et réjouissantes : le pois chiche bio, cultivé à quelques kilomètres, s’accommode de coriandre et d’un yaourt au curry, et l’huile de courge, produite de façon confidentielle par son frère en Autriche, garnit une petite tartine régressive, hommage à ses origines. 

Justesse, éclat et émotions
Le foie gras présenté dans l’esprit de la création Cactus de Lalique, les écrevisses de Roland Frankhauser, les escargots d’Antoinette Christ, l’omble chevalier, le chevreuil ou le boeuf occupent une place de choix, mais plusieurs menus sont aussi proposés en version végétale, sans viande et sans poisson, dans l’air du temps d’une cuisine responsable. « Après avoir travaillé dans les plus belles brigades d’Allemagne et de l’est de la France [Schwarzwaldstube de l’hôtel Traube Tonbach en Forêt-Noire, l’Arnsbourg en Moselle avec Jean-Georges Klein, Brenners Park-Hôtel à Baden-Baden, NDLR], j’avais envie de retrouver une structure à taille humaine et plus familiale. J’ai été séduit par ce cadre magnifique et la possibilité de retravailler à quatre mains avec le chef Klein. » Depuis cette année, Paul Stradner signe sa propre identité culinaire : une cuisine sincère qui s’allège du superflu au bénéfice de la justesse et de l’émotion. Les desserts suivent la même inspiration avec Nicolas Multon, qui réalise des chefs-d’oeuvre sucrés, tirés de ses balades dans les vergers d’Alsace, de ses cueillettes dans le jardin potager et aromatique du restaurant ou de la récolte de miel crémeux dans les ruches de la maison. Évidemment, pas question de passer à côté de la somptueuse cave à vin vitrée, gérée par Romain Iltis, tout heureux de retrouver ici ses racines alsaciennes. 60 000 bouteilles, dont 1 000 vins parmi les mieux notés par le célèbre guide Parkers, 650 crus alsaciens et des étiquettes de nature à faire pâlir tout amateur, composent ce trésor viticole. Mais c’est d’abord dans les formidables accords mets et vins et les étonnantes découvertes gustatives que le talent de ce Meilleur sommelier de France, nous éblouit… comme l’éclat d’un cristal signé Lalique et fabriqué à deux pas d’ici, depuis un siècle.

Villa René Lalique
Dessert de la carte automne 2022 © Karine Faby

Villa René Lalique
8, rue Bellevue à Wingen-sur-Moder


Par Corinne Maix
Photos DR