À raison d’un film par an, vous êtes un réalisateur prolifique qui ne cesse de surprendre puisque vous vous essayez tout autant au drame qu’à la comédie, au thriller qu’au teen-movie ou au film chorale. D’où vient cette volonté d’explorer ces différents genres cinématographiques ?
François Ozon : Je n’ai pas vraiment de stratégie ou de plan de carrière, j’essaye juste de suivre mon désir. Je suis un cinéaste qui aime toutes sortes de cinémas et d’acteurs et je pense que le genre du film vient d’abord du sujet qu’il traite. Je trouvais intéressant d’aborder cette histoire sous forme de comédie, car elle se passe dans les années 30 donc il y avait une distance par rapport à aujourd’hui. Peut-être que si je l’avais traité à notre époque, ça n’aurait pas été une comédie mais un drame dans l’esprit de Grâce à Dieu, un film sur la libération de la parole des femmes. J’avais quand même envie de revenir à la légèreté et à un esprit de comédie que j’avais déjà pu côtoyer avec 8 femmes et Potiche. C’est un matériau qui date du siècle dernier, il y avait une volonté de stylisation, de recréer le Paris des années 30 et de travailler avec des grands acteurs et des acteurs moins connus, ça participait à quelque chose que j’avais déjà fait auparavant.
Comment avez-vous découvert la pièce de théâtre de Georges Berr et Louis Verneuil, créée en 1934, et qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter ?
François Ozon : Pendant le confinement, je regardais les films d’une actrice un peu oubliée qui s’appelle Carole Lombard et un ami m’a conseillé La folle confession adapté de la pièce de Georges Berr et Louis Verneuil. J’ai trouvé le film moyen mais j’ai eu envie de relire la pièce et j’y ai trouvé matière à faire un film autour d’une fausse coupable qui s’accuse d’un crime. À partir de là, j’ai beaucoup transformé la pièce. Je l’ai ramené dans le milieu du cinéma, j’ai changé le sexe de certains personnages et j’ai fait en sorte qu’elle résonne avec les thèmes d’aujourd’hui. Initialement, la pièce était très axée sur la justice. J’ai voulu que le centre du film soit la complicité de deux jeunes filles qui tentent de s’en sortir dans ce monde hostile et patriarcal des années 30.
Comment prépare-t-on un rôle dans une époque qu’on a pas connu ?
Nadia Tereszkiewicz : François m’a montré beaucoup de vieux films dont je me suis inspirée. J’ai découvert et pris un plaisir fou devant les comédies de Lou Beach, Sacha Guitry et Billy Wilder. C’était intéressant de reconstituer cette époque, tout en restant nous-mêmes et en apportant notre jeunesse avec Rebecca Marder notamment. Les années 30, c’est l’âge d’or du cinéma, les costumes font rêver. Pascaline Chavanne, la cheffe costumière, s’inspirait de Barbara Stanwyck et de plein d’autres actrices.
Qu’en fut-il des décors ?
François Ozon : C’était compliqué de retrouver les années 30, parce qu’elles n’existent plus vraiment dans les rues de Paris. Avec Jean Rabasse, le chef décorateur, on voulait se concentrer sur l’art déco. On a tourné à Bruxelles les scènes de la Villa de Montferrand et à Bordeaux pour les scènes de rue. Beaucoup de choses ont également été faites en studio. J’ai eu la chance d’avoir le budget dont j’avais besoin, afin que la reconstitution soit très précise. Dans une comédie, il y a aussi le plaisir des yeux, des décors, des costumes. On a travaillé le look de Pauline et Madeleine, elles sont à la pointe de la mode des années 30 notamment par rapport à Odette Chaumette, qui est une actrice du début du siècle restée bloquée aux années 10 et qui paraît complètement ringarde. Il était intéressant de raconter les personnages à travers leurs costumes.
Nadia Tereszkiewicz : Mon personnage est une actrice qui possède des costumes. Il y a une mise en abîme, du jeu dans le jeu. Le costume change une posture, une gestuelle, demande une démarche particulière et apporte avec les coiffures et le maquillage, un plaisir fou visuellement.