Café de la Biennale : généreux et ouvert

La Biennale d’art contemporain de Strasbourg, ce n’est pas seulement la Biennale d’art contemporain de Strasbourg. En plus de l’exposition interrogeant notre lien à l’outil numérique, c’est aussi un lieu de vie (conférences, ateliers, concerts, soirées) emmené par le Café biennale porté par Rob (Alexandre Bureau, boss du Phonograph associé au Fat et au Diable Bleu – Soul Meat Steak House) et Elsa Plaza, programmatrice. Quand l’éphémère peut être synonyme de générosité.

Rob, Alexandre Bureau et Elsa Plaza dans le café de la biennale.
Rob (Alexandre Bureau) et Elsa Plaza au Café biennale, à Strasbourg. Photo : Christophe Urbain

Une large et lourde grille en fer forgé révélant une cour intérieure magistrale, une architecture néo-gothique imposante chargée d’histoire, l’Hôtel des Postes n’est a priori un lieu pas simple à habiter de manière éphémère.
Il fallait trouver le juste milieu : faire preuve d’humilité pour laisser s’exprimer la beauté des espaces – et éviter l’écueil de la surcharge de déco et de couleurs – mais y insuffler ce qu’il faut de chaleur pour laisser artistes et visiteurs s’en saisir. Le pari est réussi : difficile de ne pas être séduit.

La Biennale, projet de la commissaire Yasmina Khouaidjia, est loin de se résumer à un espace d’exposition, elle s’envisage comme un véritable lieu de vie et notamment, grâce au Café biennale ouvert du mercredi au dimanche. Rob se souvient : « C’était un soir fin juin – début juillet, Yasmina est passée au Phono et m’a parlé de son projet d’exposition. Elle m’a simplement dit vouloir y adosser un bar mais a insisté sur le côté atypique. Évidemment, j’ai été intéressé : j’avais envie de quelque chose qui change de ce qu’on a déjà vu et le faire de manière entière et intelligente. On est ici dans la capitale de l’Europe et en plein centre-ville : il faut donner aux projets l’ampleur qu’ils méritent et que la ville mérite. Je n’avais pas envie d’un simple bar, mais de l’accompagner d’une programmation internationale costaude. » Il contacte Elsa Plaza, déjà programmatrice pour le Fat, qui saute sur l’occasion pour sortir des soirées électroniques et hip-hop auxquelles le club strasbourgeois nous a habitué. Quelques discussions ont suffi pour envisager le « bar » de la biennale comme un café-club-concert (et même, quasi centre culturel puisqu’il accueille aussi des ateliers).

Des concerts et soirées club

Isolation, électricité, arrivée d’eau, investissements pour monter une scène, cachets pour les musiciens, Rob investit son argent personnel (la gestion, les financements et horaires d’ouverture sont indépendants de l’exposition, même si les deux lieux sont liés) pour faire tourner ce projet auquel il croit. « Faire des concerts ici, ce n’est clairement pas rentable. Mais le but, ce n’est pas d’être rentable, c’est d’essayer de se faire plaisir, de faire du bien aux gens et de marquer les esprits. » Autrement dit : il faut une bonne dose de générosité et avoir de l’ambition pour sa ville pour se lancer dans une telle aventure… Sur une échelle comme celle-là, avec les contraintes que le bâtiment suppose tout en souhaitant garder le lieu ouvert, accessible et gratuit (sauf soirées spéciales et concerts évidemment, dont les tickets d’entrées sont très raisonnables), impossible de prétendre à la machine à fric.

Omar Souleyman
Omar Souleyman, en concert le 15 février 2019 au Café Biennale, dans le cadre de la Biennale d'art contemporain de Strasbourg.

Après un premier concert des locaux de Solaris Great Confusion couronné de succès et une période test, la programmation s’étalera jusqu’au mois de mars. « Au démarrage, on a organisé des soirées électroniques en lien direct avec la biennale, explique Elsa Plaza. Mais l’art étant a priori ouvert et les artistes du numérique l’étant particulièrement, nous avons décidé d’être les plus larges possibles en proposant des formats différents. » On croisera ainsi – et avec un plaisir non dissimulé – l’immense Omar Souleyman, Syrien qui a notamment joué à la cérémonie de remise 2013 du prix Nobel de la paix et dont les productions hallucinées sont capables de mettre tout un public en transe. Mais aussi Chelsea Reject, rappeuse de Brooklyn, sorte de mélange entre le r’n’b de Lauryn Hill (ancienne époque) et le débit posé et assuré de Tyler, The Creator ou PILL, également originaires de Brooklyn, pour les amateurs des géniaux Parquet Courts et autres foutraqueries no wave.

Entre-temps, des apéros jazz, des DJ sets de personnalités d’ici et d’ailleurs, des ateliers musique électronique pour les kids chapeautés par la Longevity Music School et d’autres surprises à venir, dont peut-être de la petite restauration avec soupe asiatique et plâtrée de mac & cheese… On prend note !


Café biennale,
dans le cadre de la Biennale d’art contemporain de Strasbourg

rue Wencker à Strasbourg
Ouvert du mercredi au dimanche, en journée et jusqu’à 1h30
Toute la programmation est à retrouver sur la page Facebook du Café


Par Cécile Becker
Photo Christophe Urbain