Yasmina Khouaidjia, la commissaire de la première Biennale strasbourgeoise, nous confirme le propos d’une exposition qui a à cœur de nous alerter : « Tous ces artistes invitent à nous faire réfléchir, de manière grave, ironique ou plus humoristique, sur nos usages et leurs conséquences. Certaines positives, d’autres plus dangereuses concernant le respect de nos libertés fondamentales. » En parcourant les salles de l’ancien Hôtel des Postes – cette sorte de forteresse néo-médiévale au cœur de la Neustadt, amenée à être réhabilitée très prochainement –, on mesure la diversité des approches : certaines carrément militantes, d’autres plus distanciées, épousent toutes les problématiques d’aujourd’hui autour du numérique. Le propos est ample – les espaces sont optimisés pour donner leur pleine dimension à l’ensemble –, cohérent et surtout complet. Il constitue une belle invitation à une vraie réflexion, aussi bien personnelle que collective, sur la relation que nous entretenons tous à l’Internet, les réseaux sociaux et bien sûr à cette extension de nous-mêmes que constituent, notamment pour les jeunes générations, le smartphone ou la tablette.
Parmi les œuvres remarquables signées Evan Roth, Philipp Lachenmann – sa sublime installation vidéo DELPHI Rationale –, Jia, Paolo Cirio ou Aram Bartholl, l’une d’entre elles fait son effet : il s’agit de l’installation intitulée This you is me de l’artiste allemande Anike Joyce Sadiq, très impliquante pour le visiteur, qui se sent rapidement environné d’une ombre bienveillante. Laquelle l’enveloppe et le cajole de manière étrangement intrusive, mais surtout très poétique.
Elle entre en écho parfait avec la finalité affichée par Yasmina Khouaidjia qui a cherché à créer son parcours autour d’un espace vide, de manière tout aussi poétique et troublante, au cœur de l’exposition. « Les salles de la poste ont été désertées, c’est l’une des conséquences de la révolution digitale. J’ai décidé de laisser l’une de ces salles vides. On peut la contempler à travers les meurtrières. C’est un hommage à la destination première de ce bâtiment, mais c’est aussi une manière de magnifier ce vide auquel nous n’avons plus trop le droit, mais auquel nous pourrions aspirer davantage, que ce soit dans nos rapports quotidiens à Internet et à la collecte de nos données personnelles. »
Biennale d’art contemporain de Strasbourg
Jusqu’au 3 mars 2019
Hôtel des Postes à Strasbourg
Horaires d’ouverture à consulter ici
Par Emmanuel Abela