Olivier Dieterlen, pionnier du Noumatrouff

À 56 ans, Olivier Dieterlen a tout connu dans les musiques actuelles. Directeur du Noumatrouff, il aspire à un lieu réhabilité en 2022 pour le 30e anniversaire de la salle mulhousienne.

Il reconnaît que l’exercice ne l’enchante guère. D’autant que pour l’occasion, il s’agit de l’installer sur la (petite) scène, d’actionner l’éclairage et de prendre plus ou moins la pose, debout puis assis sur un flight-case. « Je ne suis pas très à l’aise », avouera plus tard Olivier Dieterlen. Le directeur du Noumatrouff, première SMAC à avoir vu le jour en Alsace en 1992, n’est pourtant pas étranger à la chose. Plus jeune, il a joué dans une dizaine de groupes, flirté avec le succès au sein de Top Model dans les 80’s en signant notamment chez une major, avant d’épouser les coulisses et de devenir un maillon essentiel du paysage culturel mulhousien et au-delà.

Olivier Dieterlin, directeur du Noumatrouff. Photo : Dorian Rollin.

« J’ai toujours été bassiste, le musicien qui reste derrière son ampli », s’excuse-t-il. En dépit d’une humilité palpable, il demeure le personnage qui, à « 56 balais », a tout connu des musiques actuelles. Ce père de deux grands enfants – « plutôt rap que rock » – est tombé très tôt dans « la magie du spectacle ». Par l’intermédiaire d’un grand-père marionnettiste et d’un père marin qui ramène des disques de Bill Haley et de swing depuis New York. La suite est presque écrite : première guitare à 12 ans, premier groupe à 15 avant d’écumer les cafés concerts et centres socio-culturels du sud de l’Alsace. Il devient intermittent en 1985, tendance couteau-suisse : musicien, roadie, technicien du son, booker pour ses groupes et ceux d’Arnaud, son petit-frère batteur. Tous deux se retrouvent d’ailleurs au sein de Top Model. « Je me rappelle qu’on passait des auditions à Paris. Lui est pris et, finalement, moi pas. Cela m’avait fait réfléchir sur mes moyens musicaux. A part faire mon truc, j’avais du mal à faire le requin de studio », raconte Olivier Dieterlen. À l’inverse, la carrière d’Arnaud décolle aux côtés d’Alain Bashung, Rodolphe Burger, Jad Wio… 

Monsieur SMAC
Sans regrets pour l’aîné puisque Mulhouse va lui permettre de transposer sa « passion en projet professionnel ». En 1988, il co-écrit un texte intitulé « Pour une maison du rock à Mulhouse » avec Jean-Luc Wertenschlag, autre pionnier de la cité du Bollwerk. Réunis dans FMR puis la Fédération Hiéro avec d’autres bénévoles, on les surnomme « les militants-bâtisseurs ». Le Noumatrouff ouvre ses portes en 1992 dans le cadre d’un programme de réhabilitation de friche industrielle. « On était fiers, cela reste une expérience citoyenne forte », se remémore Olivier Dieterlen. « Le Nouma est un peu le reflet de toutes ces politiques culturelles qui se sont mises en place il y a 30 ans. » En 1998, il en devient salarié en tant qu’administrateur et en contrat aidé lorsque la salle hérite du label SMAC, tout juste imaginé par Catherine Trautmann alors ministre de la Culture.

En parallèle, il suit des cours du soir jusqu’à décrocher un DESS en management de projets. Sur le terrain, il intègre les nouveaux réseaux d’une filière encore balbutiante et le syndicat des musiques actuelles. En 2003, Olivier Dieterlen est nommé directeur, à la tête d’une équipe de six salariés. Depuis deux ans, il s’occupe de la programmation et ne cache pas son enthousiasme sur la scène mulhousienne. « Il y a une belle émulation entre Last Train, Knuckle Head, Syndrom qu’on a emmené au Hellfest, Dirty Deep, Kamarad, Mouse DTC (où on retrouve son frère Arnaud, ndlr), The Hook et le rappeur Siboy. » Soit autant d’enfants du Noumatrouff.

« J’ai toujours cette capacité à m’émouvoir. Je ne m’ennuie pas, je n’ai pas trouvé de routine ici », dit-il en ciblant l’actuelle réflexion sur l’avenir des musiques actuelles à Mulhouse et de son glorieux emblème. « On arrive à la fin d’un cycle. En 2022, le Nouma aura 30 ans, c’est mon rêve et mon ambition d’aboutir à un lieu réhabilité où autre chose. » Un nouveau Nouma ?


Le Noumatrouff, SMAC de Mulhouse
www.noumatrouff.fr
Ce portrait figure dans le hors série de Zut consacré aux musiques actuelles
dans le Grand Est paru fin septembre 2019.


Par Fabrice Voné
Photo Dorian Rollin