L'Équerre d’argent
pour Richter architectes

Le 26 novembre, l’agence Richter obtient l’Équerre d’argent pour le centre de soins psychiatriques de Metz/Queuleu. Décerné par Le Moniteur, c’est le plus prestigieux prix d’architecture français, remis pour la première fois à une agence strasbourgeoise (et même à une agence du Grand Est), et à un bâtiment dédié à la santé mentale.

Richter architectes - Strasbourg - équerre d'argent

Présidé par Renzo Piano, lauréat de l’Équerre l’an passé pour le colossal Palais de justice de Paris, le jury a choisi cette fois de récompenser un bâtiment de taille plus humaine, construit par des architectes moins connus du public. Situé dans la banlieue de Metz, dans un quartier à l’urbanisme ingrat, ce centre de consultations et de soins combine une échelle presque domestique à un geste architectural fort. Dans un contexte économique et politique tendu, où la profession se sent mise à l’écart de l’acte de construire (voir les débats sur la loi Élan), ce palmarès a valeur de manifeste. Il rappelle qu’un bâtiment incarne l’attention portée au contexte et aux usagers, en l’occurrence des patients particulièrement fragiles (adultes et enfants), et que la qualité architecturale doit profiter à tous, partout. Ce prix clôt une belle année pour Richter architectes, dont le travail a été a plusieurs reprises salué par la presse et récompensé par plusieurs prix, notamment pour le groupe scolaire Simone Veil et le gymnase Colette Besson à Lingolsheim.

Richter architecture - équerre d'argent

Le contexte
« L’objectif était de regrouper ici différentes entités, d’assurer une meilleure qualité d’accueil et une meilleure accessibilité, pour les patients et le personnel. Le centre reste cependant à l’échelle d’une grande maison. Il est situé dans une zone d’activité en périphérie de Metz, le long d’une départementale, dans une zone urbaine sans ordre apparent. Le terrain est en pente et le voisinage hétéroclite : autour, il y a un concessionnaire automobile, une station-service, un petit bois très dense et un grand paysage avec vue très lointaine. Pour nous, dans chaque endroit, il y a quelque chose d’intéressant auquel on peut se raccrocher et que le projet peut révéler. Ici, c’était la topographie, la nature du sol argileux et humide, l’alignement d’arbres le long de la départementale, le petit bois. En sachant que dans une zone d’activités, tout cela est susceptible de changer à tout moment… Nous avons répondu à ce contexte avec une forme stable, permanente. »

Les contraintes
« Spatialement, quelqu’un qui ne va pas bien doit être dans une juste proportion des espaces. S’ils sont trop grands, il peut perdre pied, s’ils sont trop petits, il peut se sentir enfermé. Toutes les dimensions ont été vérifiées avec le personnel. Ensuite, à l’échelle du bâtiment, il s’agissait de produire une enveloppe qui protège et fabrique son propre paysage, dans laquelle on peut trouver des appuis et se rouvrir au monde. L’architecture correspond ainsi au protocole de soin. L’accueil a été le sujet le plus débattu ; cette enveloppe doit montrer que quand on l’aura franchie, on sera à l’abri tout en n’étant jamais complètement coupé du monde. Ensuite, on arrive dans un environnement paisible, où le corps est libre mais contenu. La cuisine thérapeutique est ainsi largement ouverte. Tout est organisé autour de patios, ce qui évite les longs couloirs. Les atmosphères sont chaleureuses et neutres, avec un nuancier très doux. Tout est sobre et serein, il y a très peu de matériaux : le béton, la résine, le bois et le paysage. Cela donne aussi un côté domestique, et participe à la reconstruction des personnes en mal-être, qui n’ont pas le sentiment d’être à l’hôpital. »

Richter architectes - Strasbourg - équerre d'argent
Richter architecture - équette d'argent

L’enveloppe
« Il s’agissait de mettre l’extérieur à distance, et de créer des paysages intérieurs. C’est une architecture dépliée : il y a 14 façades. Cette enveloppe permet aussi de différencier le bâtiment des autres alentour. Nous avions l’idée dès le départ d’une intervention artistique sur le bâtiment ; on a toujours eu cette pratique à l’agence. Il nous a semblé évident que quelqu’un intervienne sur l’enveloppe de ce bâtiment. Grégoire Hespel [qui a eu aussi l’idée du rideau dans la vitrine Zut, ndlr] a fait un corps à corps avec le béton. Il est intervenu au moment du décoffrage, et lui a donné un aspect géologique. C’est l’expression de la permanence du projet. »


Centre de soins psychiatriques à Metz Queuleu
Richter architectes et associés : richterarchitectes.com
Maîtrise d’ouvrage : Centre hospitalier spécialisé de Jury
CTE Mulhouse, structure Solares Bauen, fluides, hqe Bet Gilbert Jost, électricité
C2BI, économie, opc Grégoire Hespel, artiste


Texte et interview : Sylvia Dubost
Photos : Luc Boegly