Au bureau comme à la maison ?

Entre espaces de coworking, cafés et bureaux classiques, les possibilités d’espaces de travail se multiplient. Mais le lieu idéal est rare : il doit être convivial et accessible, libérer la créativité et encourager la productivité. Alors, à Strasbourg, on va où, et pourquoi ?

Le Lodge, le Quai n°10, Welcome coworking… Depuis l’apparition de la Plage digitale en 2012, les espaces de coworking ont fleuri à Strasbourg. Le coworking, ou co-travail, c’est l’idée de partager un lieu entre professionnels de divers horizons… Ces espaces proposent désormais bien plus qu’un simple bureau. « Nous partageons des valeurs, et pas que des bureaux. Notre présence nous permet d’accompagner dans des attentes particulières, en toute convivialité », annonce Sandra Monteiro, la “Chief Happiness Officer” de Cow wow, le nouvel espace de « coworking cocooning ».
Estimant que le coworking a encore de beaux jours devant lui et que la demande est forte, Melpia, sa « fabrique artisanale de solutions digitales », a investi un étage supplémentaire dans ses locaux du centre commercial des Halles. Au cœur du projet, liberté et personnalisation : « Les locations se font sans poser de question. On peut réserver très facilement à toute heure, en dernière minute, sur Internet. Une fois le bureau choisi, on le garde. Ce ne sont pas des postes nomades. Ils peuvent être personnalisés. » D’où le choix d’un nombre restreint de places, avec 12 bureaux, et d’équipements ajoutant du confort.

Un lieu chaleureux…

ZUT Magazine - Co working bureau cafe. Illustration de Nadia Diz Grana
Illustration : Nadia Diz Grana

La carte de la personnalisation et du « comme chez soi », Hello’Working a choisi de la jouer à fond, dès son ouverture à la rentrée 2018, en commençant par baptiser ses bureaux (vous préférez Francis ou Madeleine ?).

« Mylène Debord  [la directrice générale d’Hello’Working, ndlr] a créé un nid où on se sent super bien. On n’a pas l’impression de venir travailler », se réjouit Elodie Khenifar, vétérinaire consultante, qui se rend dans ce « cocon chaleureux » de la rue Adolphe Seyboth depuis le mois de février.
Ils sont une quinzaine à se partager cet espace, dont une dizaine de workers quasi fixes (d’ailleurs, il reste quelques places  ! ). Élodie a choisi le forfait « Peinard », payé au mois. Elle passe environ 3 semaines sur 4 dans ce lieu qu’elle a choisi pour « avoir de véritables collègues » et profiter des événements (afterworks, petits-déjeuners d’échanges), qui constituent selon elle le grand « plus » du lieu, comparé à des espaces plus classiques de coworking, qu’elle avait déjà testés.

« Ils n’avaient pas cette âme qu’on trouve ici », précise-t-elle.
Elle aime aussi le fait de miser sur la communauté et le réseau, avec les prestations des partenaires d’Hello’Working (allant du bien-être à la comptabilité, en passant par le conseil en image), la cuisine, la salle de réunion, la salle pour appels téléphoniques, etc.

« Ce que je préfère, c’est la salle Hello Relax, une pièce pour déconnecter, pour faire une pause comme à la maison, avec une bibliothèque. D’ailleurs, on n’a pas le droit d’y garder ses chaussures », raconte Céline Nussli, illustratrice et créatrice de contenus. « Je travaillais chez moi et j’ai commencé à me sentir seule et à tourner en rond. J’ai ressenti un plus vis-à-vis de mon activité. La qualité du travail et ma productivité se sont améliorées, et cela s’est aussi ressenti dans l’envie. »

… pour mieux travailler

Mais pour profiter des équipements d’Hello’Working et des autres espaces partagés, il faut pouvoir se le permettre (le forfait d’un mois est autour de 270€ à Cow wow et à Hello’Working, et il faut compter un forfait journée de 16 à 23€). Or, Céline le concède, « l’argent peut être une question compliquée quand on est free lance ».

Certains ont trouvé une solution plus simple : rédacteurs, traducteurs indépendants, illustrateurs ou graphistes peuplent des endroits comme le Boma, l’Anticafé, le Square Delicatessen ou le Café Bretelles, avec leur ordinateur portable ou leurs feuilles éparpillées. « Ça me permet de me concentrer plus facilement, et de séparer lieu de vie et lieu de travail, tout en voyant des gens », raconte Gaétan. Il est guide touristique en auto-entrepreneur et prépare et construit seul ses visites guidées. Pour ses recherches, il privilégie parfois la médiathèque Malraux, « idéale car on y trouve des prises et du wifi, un peu de calme mais aussi de la compagnie, et un café au rez-de-chaussée ». D’autres fois, il choisit Oh My Goodness (café associatif rue de la 1ère armée) ou le Marché bar, petit établissement au cœur de la Krutenau. Cela convient aussi à sa bourse. « Je ne pense pas aller travailler en coworking car je n’en ai pas les moyens », explique-t-il.

S’il allait au Café Berlin, place d’Austerlitz, il croiserait sans doute d’autres indépendants, mais pas seulement. Cédric Bonin est co-gérant de la société de production audiovisuelle Seppia et organise régulièrement des réunions en-dehors de ses locaux de la rue Auguste Lamey. « C’est plus pratique quand nous travaillons avec des partenaires, explique-t-il. En ce moment, pour un projet avec des professeurs du Conservatoire, nous nous retrouvons pas loin de la Cité de la musique et de la danse. » C’est aussi un moyen pour lui de travailler avec des auteurs ou réalisateurs dans un espace séparé des collègues et du téléphone qui sonne. Parmi ses lieux de prédilection, il y a aussi le Snack Michel et le Café Stern. « Ce sont des lieux inspirants et détendus, c’est important quand on est dans un métier créatif », rappelle-t-il. Parfois, il s’y rend seul, quand, paradoxalement, il a besoin de sortir du bureau pour mieux travailler, mieux se concentrer : « C’est un moment choisi pour s’extraire du flux tendu, pour se donner un temps pour lire ou relire des dossiers de films ou de documentaires. »

La fin de l’open space ?

Un besoin de calme et de concentration dans un cadre agréable qui se retrouve même dans les tendances d’usage de bureaux “classiques”. « On n’est plus dans cette tendance Google des années 2000 avec les bureaux en forme de toboggan et l’image du collaborateur cool , explique Alexandre Voos, gérant de Voos Design. L’hyper-collectif et l’ordinateur sur le canapé, c’est une image d’Epinal. »

Avec son entreprise, il mesure les besoins des employés et son constat est sans appel : ils sont en manque de territoire personnel et d’écoute quant à leur espace de travail, qu’ils ont envie de faire correspondre à leurs besoins et qui prend une dimension affective.
Les aménagements récents de la société d’avocats Mazars ont été personnalisés selon les préférences des collaborateurs (un espace pour les classeurs, deux écrans, un bureau partagé ou individuel, etc). Les 2500m2 ont été conçus « comme un village où on se rencontre », raconte Alexandre Voos. Il n’y a jamais plus de 7 ou 8 postes en open space, et les collaborateurs ont rapporté un “regain d’énergie” et une “sensation de bien-être” . »

C’est bien le point commun de tous ces coworkers, ces indépendants et autres professionnels qui cherchent le lieu idéal pour chaque besoin : celui de travailler dans les meilleures conditions, et, plus largement, de se sentir bien.


Par Déborah Liss
Illustration Nadia Diz Grana