« Sam est un peu plus dans la retenue que Johnny, mais il finit par dire les choses. On sent la confiance qui les lie, ils sont si proches depuis longtemps ! » Ce qui transparaît de la manière la plus manifeste, c’est leur amitié, une affection réciproque débordante. « Oui, c’est incroyablement fort, et ça dure jusqu’à la fin, confirme Dominique. Ils sont restés liés de manière indéfectible, malgré la célébrité de Shepard et les différences de conditions de l’un et de l’autre. » Pour les bénéfices de la traduction, Dominique a eu l’occasion de s’entretenir avec Johnny à maintes reprises, parfois même à un rythme soutenu, afin de préciser le sens de l’une ou l’autre tournure et d’obtenir des informations sur les situations vécues. « C’était étonnant pour moi : j’avais la correspondance sur la table et je recevais quotidiennement des mails de Johnny. »
Une suite à paraître
Dominique a mené une enquête soignée pour se montrer précis et rendre ainsi un bel hommage au dramaturge disparu en 2017. Il en résulte une traduction sensible et respectueuse. Précise au point que l’on mesure combien ces échanges étaient essentiels à la vie de Sam. Johnny est l’ami, certes, mais il est plus que cela : il devient autant confident que confesseur, celui qui sans le sermonner l’amène à s’interroger, toujours avec tact et élégance. Ce qui est peut-être le plus touchant ; c’est ce qui amène Sam à se livrer comme il le fait au cours de leurs échanges nourris, dans sa plus parfaite nudité et avec une honnêteté parfois troublante. Non sans une pointe d’humour et un sens de l’autodérision qu’ils partagent ensemble.
Vu le volume conséquent de lettres figurant dans la version originale, la traduction était prévue sur une période d’un an et demi, mais Dominique l’a menée en « sept à huit mois ». Si bien qu’il s’attache désormais à un nouveau projet éditorial, très complémentaire, dans la mesure où il écrit un nouvel ouvrage sur les derniers mois de la vie de Shepard. Grâce à la complicité de Johnny et par l’intermédiaire de Jesse, il accède à de nouvelles archives précieuses, jusqu’alors inexploitées, qui suivent la publication de la correspondance au cours des années qui vont de 2014 à 2017. Il découvre des photos, des lettres inédites et des échanges nombreux entre les deux hommes, notamment sous la forme de conversations enregistrées. De son propre aveu, cet ouvrage, il l’écrit d’abord en anglais. Mais on suppose par avance le plaisir qu’il aura à le traduire lui-même, ce qui offrira non seulement une extension à la correspondance existante, mais une nouvelle merveilleuse plongée au cœur de l’univers shepardien.
Sam Shepard & Johnny Dark, correspondance 1972-2011, éditions Médiapop, 432 pages, 29 €.
Philippe Schweyer et Dominique Falkner présentent leur ouvrage le jeudi 24 mars à 17 h, à la librairie Kléber à Strasbourg, et le vendredi 25 mars à 19h h, au cinéma Le Palace à Mulhouse avec la projection des Moissons du ciel.
Par Emmanuel Abela