Merci Beaucoup Festival : Le cœur à la fête

En mai, fais ce qu’il te plaît… Le collectif Merci Beaucoup en a fait le programme de son festival, qui aura lieu les 27 et 28 mai aux Studios du Rhin sous forme de mini-village. Deetron, Benjamin Fröhlich et Romain Fx sont les têtes d’affiche. Musique électronique, exposition, animations et autres activités nous donneront un avant-goût d’été.  Entretien enthousiaste avec Benjamin Faure, le président du collectif.

Les membres du collectif Merci Beaucoup posent autour de leur logo. © Bartosch Salmanski pour Coze Magazine
Les membres du collectif Merci Beaucoup. Photo : Bartosch Salmanski pour Coze Magazine

Comment chacun des styles musicaux des têtes d’affiche va compléter ceux des autres artistes ?
Comme c’est la première édition, la direction artistique musicale est articulée autour de notre organisation. Merci Beaucoup existe depuis 2016, on a organisé beaucoup d’événements d’ampleurs différentes et on veut marquer le coup pour le festival avec deux scènes. Cela a un impact sur sa programmation et sa durée, assez longue — deux jours —, influence le choix de sa direction artistique musicale. Il y a une cohérence progressive dans notre programme. Merci Beaucoup a des influences house, disco et new wave. On a choisi Deetron parce qu’il est un artiste house. Romain Fx est un artiste dans la tendance avec ses influences italodisco et japonaise.
On a voulu encourager la proximité européenne et faire attention à la planète en invitant des artistes qui ne venaient pas de trop loin. Nos trois artistes internationaux viennent soit en voiture, soit en train, pour que ce soit plus clean.
On a repris l’objectif d’un événement qu’on avait organisé en 2020, abrogé par le Covid. On va faire un panorama des artistes strasbourgeois qui correspondent à notre direction artistique musicale : de la scène musicale électronique et actuelle strasbourgeoise. C’est pour cela qu’on fait participer le collectif Menthe poivrée, le collectif Ordinaire, et Vigo, le fondateur du Longevity Festival. On a aussi invité Zak, que le public ne connaît pas et qui fait de la musique live. Le dimanche, la scène extérieure sera plongée dans une ambiance full house.

Les différentes animations et activités que vous proposez, dont l’oeuvre d’art participative, visent-elles à fédérer les festivaliers autour de la découverte d’arts et d’œuvres d’art plus innovants ?
Oui, en effet. Un des piliers de l’association a toujours été sa dimension plus transversale. Grâce à la vente de sérigraphie et à la présence des artistes sur place, le public pourra échanger avec eux et les membres du collectif. Les gens pourront aussi collaborer entre eux grâce à l’œuvre participative, qui est une pixel war [concept venu de la plateforme Reddit, ndlr]. Ils auront à disposition une toile de trois mètres sur deux sur laquelle ils pourront dessiner grâce à des gommettes carrées.
Nous avons une vraie volonté d’échanger avec le public. Comme on le dit souvent, on aime faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux. C’est pour cela que le festival a pour but de découvrir de nouveaux artistes, en étant ludique. La musique est un socle très important que les autres arts complètent. On ne voulait pas que les gens fassent le tour du festival en dix minutes et partent parce qu’il n’y a plus rien à faire. Ils doivent avoir du choix, donc on a créé un mini-village.

Dans une période un peu troublée comme celle d’aujourd’hui, est-ce toujours aussi important d’organiser des événements fédérateurs autour de la musique ?
Oui, c’est nécessaire. Le Covid a montré que les gens ont besoin de ce genre d’événements pour se retrouver. Ils n’ont plus l’habitude de sortir le soir, parce que c’est trop cher ou qu’ils ne se sentent pas en sécurité en boîte de nuit, selon des études récentes. Les plateformes de streaming les engagent aussi à rester chez eux. Le monde de la nuit change au profit de structures qui organisent des événements plus intimistes. En participant à la création d’événements comme le Merci Beaucoup Festival, on fait sortir les gens. On veut attirer le plus de public possible : les places sont gratuites pour les enfants et on offre une boisson gratuite aux étudiants sur présentation de leur carte étudiante.
Les collectifs comme Merci Beaucoup sont primordiaux : face à la facilité de regarder les séries depuis chez soi, on fait force de proposition pour engager les gens à passer de chouettes moments à l’extérieur. Il était important pour nous que le festival soit une safe place : on a engagé l’association AMA (Ask Me Anything) pour la prévention anti-drogues. On tenait beaucoup à se défaire du cliché de la rave d’il y a 20-30 ans, où la sécurité du public n’était pas assurée.

Le quartier de la Coop a longtemps été un no man’s land. Récemment, des apéritifs musicaux sont organisés par un certain Lucas dans son studio de musique. Est-ce qu’on peut considérer qu’il y a un nouveau vivier d’artistes dans ce quartier ?
Il y a de plus en plus d’initiatives culturelles et artistiques dans cette zone, donc oui, c’est un vrai vivier d’artistes. Innervision, fondé depuis plus de dix ans, est son point central. Son directeur, Luc Tharin, a proposé d’accueillir le festival dans les locaux des Studios du Rhin. Il y a un véritable renouveau artistique dans ce quartier : deux studios musicaux se trouvent juste à côté du festival, celui de Benjamin Auberger et celui de Ouai Stéphane. Le studio Space Drive de Lucas Litzler est aussi à proximité. C’est une véritable zone d’art!
D’ailleurs, un autre des objectifs du festival est de créer une synergie avec les acteurs qui se trouvent autour. On veut faire participer des artistes des environs. On aurait pu organiser le festival au Jardin des Deux Rives. Mais on a préféré profiter de la confiance et de la bienveillance d’Innervision, avec qui on avait déjà organisé un événement en octobre dernier. On a la même volonté de participer au développement de cette zone assez excentrée de Strasbourg.

Un DJ mixe à une soirée organisée par le collectif Merci Beaucoup. © Jules Nehlig
Un DJ mixe à l'une des soirées organisées par le collectif Merci Beaucoup. Photo : Jules Nehlig

Comment cette ambiance artistique qui y est présente se lie-t-elle à l’univers audiovisuel que porte Innervision par exemple ?
Il n’y a pas de lien direct entre la musique et l’audiovisuel. Au départ, on voulait proposer à Innervision d’animer des ateliers lors du festival mais on a trouvé cela prématuré pour sa première édition. On a jugé plus pertinent de connaître le public et de se présenter à lui avant d’innover. On fait aussi intervenir Lucas Litzler, dont l’alter Rukka est programmé sur le festival.
En fait, avec Innervision, on a la passion et l’attrait communs du son de bonne qualité et de la culture. Pour la prochaine édition, on a eu l’idée d’organiser une projection en partenariat avec eux car la salle principale des Studios du Rhin s’y prête.

Quel était votre objectif en imaginant une scène intérieure et une extérieure ?
La salle intérieure des Studios du Rhin était le point de départ de notre réflexion. Puisque le festival est assez long, et qu’on sera au début de l’été, on a décidé de laisser la musique à l’extérieur pendant la journée et de faire en sorte que l’intérieur soit un espace dédié à l’échange. On a pensé les flux de personnes pour qu’ils soient cohérents : à minuit, on va arrêter la musique pour éviter de faire du tapage nocturne. On va la déplacer à l’intérieur, tandis que l’espace d’échange se déplacera de l’intérieur vers l’extérieur. Celui-ci deviendra ainsi un espace plus chill pour que les gens puissent profiter et l’intérieur sera le lieu d’un concert.
On a mis un point d’honneur à organiser le festival en fonction du voisinage. Notre ambition, c’est un festival à taille humaine : on n’a aucune velléité à le faire grossir. On veut simplement améliorer l’offre pour mettre en valeur tous les artistes de la zone et divertir le public qui vient nous voir.

Qu’est-ce que la décoration du studio du Rhin à la fois végétale et industrielle apporte au festival ?
Cette décoration apporte un côté surprenant au festival. On entend déjà les gens se demander : « Mais pourquoi faire un festival dans une zone industrielle? » Chaque projet a un lieu comme point de départ, que notre collectif transforme sans le dénaturer pour y poser notre identité. On veut étonner et dépayser le public.

Est-ce que la scénographie plus minimaliste de la scène intérieure est une façon de mettre en valeur la musique qui sera jouée ?
La salle principale est très belle : c’est une salle de projection brute et minimaliste. On ne voulait pas casser ça. Cette salle a un style moderne, peu invasif, qui permet aux gens de voyager. Donc on a voulu mettre en valeur la musique grâce à la scénographie, sans trop en faire.

Merci Beaucoup Festival
Les 27 & 28 mai 2023
Studios du Rhin


Par  Laure Villard
Photos Bartosch Salmanski pour Coze Magazine & Jules Nehlig