Au Gourmet

En amont du village de Drusenheim, Ludovic Kientz et sa femme Sandie Ling sont aux commandes du Gourmet, hôtel-restaurant couronné d’une étoile au guide Michelin. Une adresse pleine de douceur, tant pour l’ambiance que pour les papilles. 

© Christoph de Barry

La sérénité. Voilà ce qui se dégage de la grande salle de service du Gourmet, ce restaurant étoilé installé dans une vaste auberge de campagne, en retrait de la départementale. De l’extérieur déjà, la bâtisse appelle au calme, entourée de ses 55 ares de jardin, son grand parking et sa maison alsacienne miniature, relique d’un ancien mini-golf, postée devant la terrasse. Dans la salle : une épaisse moquette bleu roi, de larges tables rondes joliment espacées et de fins voilages blancs qui filtrent la lumière extérieure. 

La belle endormie 

C’est fin 2018 que Ludovic Kientz et Sandie Ling ont repris l’historique restaurant de Drusenheim pour le transformer en ce cocon sobre et élégant, havre de paix pour voyageurs de passage. « C’était le seul endroit qui réunissait tout ce qu’on voulait : un emplacement en retrait du village, de grands espaces intérieurs, un large terrain alentour, le tout à moins de 30 kilomètres de Strasbourg », sourit le chef cuistot, qui y a directement vu « une belle au bois dormant, qu’il faut réveiller ». Et l’éveil fut plus rapide que prévu, car trois ans à peine après avoir investi les cuisines du Gourmet, Ludovic Kientz y a décroché une étoile Michelin, qui depuis trône fièrement sur la devanture du restaurant.
Il faut dire que le chef (de seulement 35 ans) a une solide expérience. En 2005, une fois son CAP en poche, il intègre comme commis la brigade du Crocodile à Strasbourg, sous l’ère deux étoiles d’Émile Jung. Au fil des années, il prend du galon, passe chef de partie, puis second sous-chef et en 2009 chef de cuisine. Dès l’année suivante, il permet à l’institution de regagner une étoile (Ludovic Kientz est alors le plus jeune chef étoilé de France, à seulement 22 ans) et il y restera jusqu’en 2017, malgré la valse incessante de propriétaires et les allers et venues du macaron Michelin. 

Quenelles de filet de truite, raviolis de crustacés et céleri façon tataki, sauce américaine © Christoph de Barry

Équilibriste des saveurs 

Cette décennie passée aux fourneaux du Croco lui permet d’exceller dans ses préparations de sauces (la spécialité d’Émile Jung) et de maîtriser les cuissons à la perfection. Une minutie culinaire qui se retrouve désormais dans les plats du Gourmet, qui interpellent par leur grande finesse et leur équilibre de saveurs. La carte, qui change selon les arrivages, propose des classiques de la haute gastronomie française, comme cette (très) épaisse tranche de foie gras de canard à l’allure de bloc de marbre, saupoudrée d’un streusel de cacao et servie ce jour-là avec de la figue en chutney (divinement peu sucrée), fraiche et séchée. Autre proposition : le suprême de pintade farci aux champignons, accompagné d’une joufflue pomme du Rhin (comprendre une pomme dauphine de luxe au munster) et son bateau de carotte en trois textures : glacée, en mousseline, en chips, et surplombé des fanes frites.
Ludovic Kientz s’applique à travailler les ingrédients dans leur intégralité, ce qui contribue à l’harmonie des plats. Ainsi les barbes des Saint-Jacques rôties sur lit de risotto sont utilisées pour réaliser un goûteux fumet, les parures des ravioles de crustacés viennent apporter son peps à la sauce américaine. On sent que le chef aime sublimer les produits de la mer, et contrebalancer ses plats d’une touche d’acidité. Mention spéciale d’ailleurs pour les desserts, à la sucrosité très justement dosée.

Ludovic Kientz et Sandie Ling © Christoph de Barry

Vie de château 

Bien qu’ils ne soient que cinq en cuisine, Ludovic Kientz et son équipe mettent un point d’honneur à tout faire maison, du pain jusqu’au beurre, « car ce ne sera jamais aussi bien fait que si on le fait nous-même », justifie sans fausse modestie le maître des lieux. En salle, sa compagne, Sandie Ling, jadis commis sommelière chez Bras à Laguiole, conseille des vins de qualité (grâce à une courte mais très belle sélection de vins de toute la France) et apporte une sincère bonne humeur au service, qui permet de ne pas rendre le lieu trop guindé.
Désormais, le couple souhaite développer la partie hôtellerie, pour proposer aux touristes de passage le même standing qu’en cuisine. Les six suites situées à l’étage ont déjà eu droit à un gros coup de lifting à leur arrivée, mais Ludovic Kientz et Sandie Ling comptent aller bien plus loin, rendre les chambres plus spacieuses, en créer d’autres dans la seconde aile du bâtiment, et si possible installer une verrière sur la terrasse devant l’auberge, aujourd’hui un peu sous-exploitée. « C’est le projet d’une vie », concluent-ils souriants. 


4, route de Herrlisheim à Drusenheim
03 88 53 30 60
au-gourmet.fr


Par Tatiana Geiselmann
Photos Christoph de Barry