Déjeuner de Roi au Château Hochberg

Installé face au musée Lalique et à quelques minutes de la Villa René Lalique, le Château Hochberg, autre propriété du groupe, propose les midis en semaine une cuisine bistrotière à prix imbattable. Aux fourneaux, l’impétueux chef Arnaud Barberis, un Sudiste tombé amoureux de l’Alsace, élabore des plats à l’image du terroir, exigeants et gourmands.

Arnaud Barberis © Agence Douzal

« Chaotique  », voilà comment le chef Arnaud Barberis nous résume d’entrée son parcours. Pour faire preuve de la même parcimonie lexicale, on le qualifiera nous de « franc-du-collier », une expression un peu désuète, mais qui dit tout du personnage : sincère, travailleur et extrêmement énergique.

Originaire du sud de la France, le chef cuistot du Château Hochberg a d’abord été bûcheron, « parce que j’avais besoin d’envoyer du lourd », puis il est passé par l’armée, avant de décider à 24 ans de se reconvertir en cuisinier. « À l’époque, on a prédit que je n’aurais jamais mon CAP. » Mais derrière le caractère rebelle du jeune trublion se cache une détermination sans faille. « Je voulais absolument intégrer un étoilé. J’étais attiré par ceux qui transforment les produits de A à Z et je voulais tout savoir faire moi-même. »

Une fois son diplôme en poche, il envoie 50 CV à travers toute la France : 49 restent lettre morte. Seul un chef français, installé en Angleterre, décèle la pugnacité du Sudiste et le fait entrer dans sa brigade « de jeunes fous ».
Bien que non étoilée, cette première porte lui en ouvre bien d’autres, d’abord en cuisine, puis comme chef pâtissier, « alors que je ne savais faire que des tartes et de la pâte à choux », et en tant que saucier, « un poste que j’ai appris sur le tas ». Au gré des opportunités, il apprend à faire des glaces, du pain, à fileter les poissons, à découper des carcasses, à perfectionner ses jus.

© Gregoire Gardette

Étoile filante 

Après six ans passés dans les arrière-cuisines anglaises (dont trois en pâtisserie), son retour en France lui permet de concrétiser son rêve étudiant : intégrer la brigade d’un restaurant étoilé. Lui qui se réjouissait de retrouver son Sud natal atterrit en Alsace, au Relais de la Poste, à la Wantzenau, sous les ordres du chef Jérôme Daull. Une expérience formatrice « mais extrêmement difficile  ». Ce qui le fait rester ? L’accueil. « Dès que je suis arrivé, on m’a emmené voir un match du Racing, puis on m’a fait découvrir les fêtes de village. » Coup de foudre immédiat.

Six ans de plus s’écoulent, avant que la bougeotte ne regagne notre insatiable touche-à-tout. Il part alors comme chef de cuisine et de pâtisserie à l’hôtel restaurant La Belle Vue, à Saulxures, puis ouvre en 2010 son propre établissement, en plein cœur de Strasbourg, le Bistrot des Arts. À la carte : du traditionnel français, un peu canaille, comme une pintade fermière farcie aux choux de Bruxelles, un ceviche de légumes rehaussé de gingembre ou du boudin noir maison au piment d’Espelette. Seul derrière les fourneaux d’une cuisine d’un mètre carré, le chef envoie jusqu’à 80 couverts par jour.

Surtout, il apprend à connaître les producteurs locaux : ceux de la Ferme du Haut Village, à Woellenheim, qui lui fournissent beurre et crème, ceux de chez Lux, dans le Kochersberg, et leurs divines asperges, la ferme Daull aussi, à Pfettisheim, où il achète son veau. « 90 % des produits qu’on avait à la carte, j’en connaissais les producteurs », se rappelle Arnaud Barberis. 

© Karine Faby

Control freak 

Nouveau chambardement début 2017. Repéré par les équipes du Château Hochberg, propriété de Lalique, le chef rencontre son directeur général, Silvio Denz, qui le convainc de venir s’installer à Wingen-sur-Moder pour y distiller sa cuisine de terroir, inventive et sincère. Bien qu’hésitant au départ, Arnaud Barberis se laisse convaincre « par l’esprit d’excellence» qui règne au sein du groupe verrier. Surtout, on lui laisse carte blanche pour élaborer la carte, choisir ses fournisseurs, constituer son équipe. Une aubaine pour cet électron libre, qui ne se « pose aucune barrière », pioche dans diverses influences pour inventer ses recettes, mais a besoin « de tout contrôler  », de l’entrée au dessert, du pain à l’amuse-bouche.

Pour le prix imbattable de 27 euros, il propose pour le déjeuner en semaine un menu entrée-plat-dessert, dans lequel peuvent aussi bien se trouver des bouchées à la reine (une de ses spécialités) que du pigeon des Vosges farci, ou de la truite confite au sel. « J’élabore les plats en fonction de ce que me proposent mes fournisseurs alsaciens», explique le quinquagénaire, qui aime jouer avec les épices, sa passion, et s’applique à proposer chaque jour au moins un plat végétarien, sans lactose et vegan, souvent d’influence indienne, un pays qu’il a visité plus de sept fois. Sa brigade bigarrée (son équipe vient des Philippines, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, d’Allemagne) insuffle aussi ses influences, et il est impossible de faire rentrer dans une case le style de cuisine proposé.

© Gregoire Gardette

Le seul mot qui convient pour décrire les assiettes, est qu’elles sont gastronomiques (des cuissons parfaites, un assaisonnement au poil, une vraie délicatesse des parfums et un dressage minutieux), même si Arnaud Barberis prétend, lui, faire une cuisine de bistrot : « Quand le guide Michelin est venu me voir, je leur ai dit qu’ici, il n’y aurait jamais de Bib gourmand ou de macaron. Moi, ce qui m’importe, c’est que les clients prennent plaisir à manger, que ma cuisine les interpelle, qu’elle soit responsable à prix raisonnable. » Le meilleur compliment qu’on puisse lui faire ? « Que c’est un excellent rapport qualité-prix.» Et c’est bien au-delà : plutôt une formidable aubaine de déguster des plats dignes d’un gastro, mais au prix d’une auberge.

Nuit de princesse 

Installé en plein cœur d’un parc de 1,7 hectares, le Château Hochberg est aussi un hôtel 4 étoiles, disposant de 15 chambres au style élégant et épuré. L’endroit, une ancienne maison de maître de style Napoléon III, a été réhabilité il y a près de dix ans par la Maison Lalique dans le but d’offrir aux visiteurs une vie de château à petit budget. Le prix des chambres oscille de 165 € à 350 €, pour un séjour au calme, en plein cœur des Vosges du Nord. 


Château Hochberg
2, rue du Château-Teutsch à Wingen-sur-Moder

03 88 00 67 67


Par Tatiana Geiselmann
Photos DR