Zoom sur le Labo Dumoulin

En se lançant dans la fabrication d’aliments vivants et naturels, Sylvie et Pascal Dumoulin promettent de remettre de l’ordre dans notre microbiote. Avec de la gourmandise, des produits sains et une bonne dose d’énergie. 

Sylvie et Pascal Dumoulin ont changé de vie pour produire des aliments vivants. © Christoph du Barry

En pleine action, avec une petite équipe, autour de la table de conditionnement, Sylvie Dumoulin, charlotte sur la tête et gants colorés de jus de carottes, nous reçoit entre deux cartons de légumes fermentés. Après le succès de leurs kéfirs de fruits artisanaux, les deux apôtres de l’alimentation qui fait du bien relèvent depuis un an un nouveau défi : apporter du plaisir avec des légumes bio fermentés. Pour faire cohabiter la production annuelle de 150 000 bouteilles de kéfir et quelque huit tonnes de légumes, conditionnés en pots de 180 g, ils ont poussé les murs en 2021. « Cette pépinière d’entreprises est installée dans les anciens ateliers de couturières de Bischwiller. Par chance, on a pu récupérer un local vacant contigu au nôtre pour atteindre 300 m2 », explique Sylvie qui dirige l’entreprise familiale. Entre le laboratoire, la production, le local de fermentation isolet chauff, les chambres froides, le conditionnement, l’embouteillage, le stockage… les lieux sont bien remplis, et nous poussent à trouver refuge en salle de pause pour conter la suite de cette aventure. Le genre de salle qui en dit long sur l’ambiance d’une entreprise. Les salariés aiment ce qu’ils produisent et y boivent du kéfir ! Ils apprécient aussi la gourmandise et le partage, comme en témoignent les restes de deux gâteaux faits maison – carotte pour l’un et potimarron pour l’autre – par deux jeunes ouvrières de production.

Labo Dumoulin
Le pouvoir du kéfir et des légumes lacto-fermentés : renforcer le microbiote et les défenses immunitaires de façon naturelle. © Christoph du Barry

Les trublions de l’alimentation positive
Sylvie, pétillante et pleine de vie, doit à son changement radical d’alimentation – dicté par la maladie de Crohn – d’avoir retrouvé la santé et la naissance de ce troisième bébé : le laboratoire. Sa création date de 2019, en coopération avec son mari Pascal et un troisième larron, Aurélien, spécialiste du marketing agro-alimentaire, qui voit dans le fermenté et le bio le marché de demain. Le couple, lui, connaît bien la science des aliments, pour avoir travaillé en R&D et qualité pour elle et biologie moléculaire pour lui. « Ma maladie chronique des intestins a motivé notre rédemption de l’alimentation industrielle, explique Sylvie. La toxicité des additifs et des allergènes empoisonne notre écosystème; c’est comme mettre des pesticides dans un champ, alors qu’on sait aujourd’hui que l’intestin agit comme deuxième cerveau grâce aux milliards de bactéries qu’il contient. »  Sur une idée de Pascal et avec des recettes de grand-mère, elle teste dans sa cuisine ses kéfirs, sortes de limonades acidulées très peu sucrées.

Le pouvoir de ces grains vivants, ajoutés à de l’eau, du sucre et des fruits, renforce son microbiote et ses défenses immunitaires de façon naturelle et elle va de mieux en mieux. Pour aller au bout de son idée, Sylvie dévore toutes les publications scientifiques sur le sujet. « Nous hébergeons dans nos intestins 40 % de bactéries bénéfiques de moins que nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, car nous ne consommons plus d’aliments fermentés au quotidien. Le résultat, c’est le déséquilibre du microbiote et ses nombreuses conséquences sur la santé. » Quatre ans plus tard, les kéfirs du Labo Dumoulin se déclinent en six parfums (orange-lavande, myrtille-verveine pour les nouveautés) et s’écoulent comme des petits grains dans les magasins bio de toute la France. « Ce succès nous permet de nous développer et de penser à d’autres recettes de fermentation pour compléter cette gamme qui fait du bien », se réjouit Pascal, qui gère la partie production.

Labo Dumoulin
Légumes fermentés en bocaux. © Christoph du Barry

Vraiment choux
Avec des carottes bio d’Oberhoffen, des choux blancs et rouges de Batzendorf et de Matzenheim et du chou à kimchi, planté spécialement pour eux, les deux utopistes ont mis au point cinq recettes de légumes fermentés. Une technique qui transforme de simples aliments en boosters naturels de bien-être digestif. « Tout le monde peut fermenter ses légumes, c’est une alternative à la pasteurisation et à la congélation, milite Sylvie. J’ai tous les jours des appels de particuliers qui me demandent des conseils. On a créé un blog sur notre site Internet pour apporter toutes les réponses utiles. » Direction l’atelier pour suivre les étapes de fabrication d’un pot de carotte à la ciboulette. Les légumes coupés sont mélangés aux sept épices du « mix Fernande » qui orientent la fermentation de manière optimale. Après une semaine, la préparation est stockée au frais sans oxygène pendant six à neuf mois.

Actuellement, la campagne de fermentation commence dans de gros fûts pour les légumes qui seront vendus à la rentrée 2023. Pour achever la recette, ils seront mélangés avec un peu d’huile et assaisonnés. La dégustation est savoureuse : le côté vinaigré apporte un twist à la fois acide et frais, que l’on imagine tout de suite en salade, pour pimper un bowl de riz et de légumes ou à l’apéro sur de petites tartines. Simplement bon… dans tous les sens du terme !

Labo Dumoulin
Une production artisanale mise en bocaux par une petite équipe qui aime les bons produits. © Christoph du Barry

Changer le monde commence ici
Le Labo Dumoulin, emploie aujourd’hui 16 personnes et au vu de l’ambiance qui règne dans l’équipe et des résultats du baromètre sur la qualité de vie au travail, on imagine sans peine que ces collaborateurs partagent aussi des valeurs qui donnent du sens à leur labeur. « Nous avons commencé avec des alternants pour laisser la chance aux jeunes, puis avec des gens qui n’étaient pas forcément du métier, parfois éloignés de l’emploi, pour les faire grandir avec nous », se remémore Sylvie, qui mène tout ce petit monde. Forts de leurs compétences de formateurs, héritées de leurs anciennes vies professionnelles, les deux créateurs transmettent chaque jour leur savoir-faire. Au-delà de ces valeurs humanistes, ils cultivent aussi un discours militant pour un corps et une planète en meilleure santé. Tout ce qui participe à un monde plus durable est scrupuleusement respecté : des matières premières en circuits courts et bio, un réseau de distribution local ou via des grossistes bio pour limiter le transport, le recours à la filière Too Good To Go pour éviter les pertes, un traitement responsable des déchets… Reste encore à trouver une idée de valorisation des kilos de figues et de citrons, dénués de goût, après avoir laissé tous leurs arômes dans la fermentation du kéfir. Avec une dizaine de projets dans les tiroirs, nul doute que cette question trouvera vite une réponse en économie circulaire. « Nous sommes motivés par l’envie de changer l’alimentation et d’avoir un impact positif et durable sur notre monde. Démocratiser une alimentation qui fait du bien fait partie de cet idéal. » La future usine de 1 000 m², dont le chantier démarrera en mars pour une livraison en 2024, respecte évidemment tous les critères de sobriété et d’efficacité énergétique que ces deux-là s’échinent à ériger en modèle, jusque dans nos assiettes.


Le Labo Dumoulin
22, Rue des Couturières à Bischwiller
06 51 96 54 23
lelabodumoulin.fr


Par Corinne Maix
Photos Christoph de Barry