Les agités du bocal #3

Lenteur et gastronomie font-elles la paire ? Au-delà d’une réaction des restaurateurs à la crise que nous traversons, certaines pratiques ancestrales reviennent ces dernières années sur le devant de la scène, entraînées par un retour aux valeurs essentielles. Prendre le temps, mieux manger. Zoom sur la fermentation.

La Fermentatrice, Céline Kihm, prépare des légumes fermentés.

— Les légumes

En se réappropriant une méthode de conservation en vogue au temps de nos grands-mères, Céline Kihm invite à (re)découvrir les goûts d’autrefois.

Comment fermentez-vous ?
Je me procure des légumes bio à la coopérative La Cigogne, à Weyersheim. Une fois râpés finement, je les mets en bocaux avec du sel à raison de 10g par kilo. Du sel sans anti-agglomérant pour ne pas altérer le goût. Il va avoir deux actions : faire dégorger les légumes et empêcher les mauvaises bactéries responsables de la putréfaction d’entrer en action. Les légumes sont ainsi immergés dans leur propre jus et mis dans des bocaux.

Quels sont les principaux intérêts de cette fermentation lactique ?
Cela permet de consommer des légumes toute l’année, même durant les périodes où rien ne pousse. Il y a aussi un intérêt nutritionnel, dans la mesure où l’on aura davantage de vitamines dans certains légumes lacto-fermentés que dans leur équivalent cru. Et ils sont plus digestes. Il s’agit d’une méthode millénaire de conservation des aliments qui ne nécessite pas d’énergie, puisque qu’il n’y a pas de cuisson. Elle est donc éco-responsable. C’est aussi dans cette logique que j’ai recours à la consigne pour mes bocaux.

Et l’intérêt gustatif, dans tout ça ?
Je tourne avec six recettes qui se conservent deux mois au réfrigérateur, trois semaines une fois ouverts. Ce sont des recettes très colorées dans lesquelles je mélange plusieurs légumes avec des épices. Je conseillerais d’aborder la dégustation avec la carotte. Ma recette carottes-carvi-cumin est sans doute la plus abordable pour qui n’a jamais goûté de nourriture lacto-fermentée. Ensuite, on pourra essayer le coleslaw (chou blanc, céleri rave, carotte et graine de moutarde), le kimchi (chou chinois, radis daikon, carotte, poireau et cumin), le chou rouge aux pommes ou le trio de légumes au curcuma.
Sur les étiquettes de mes bocaux, j’appose une ou deux idées d’associations. Pour ma part, je les consomme avec tout, notamment avec des pâtes. Récemment, un client m’a dit qu’il avait même associé mon kimchi à un bœuf bourguignon. Je n’y aurais jamais pensé !


La Fermentatrice
81, rue du Rhin Napoléon à Strasbourg


La fermentation : c’est quoi, pourquoi, comment ? Marc Fischer, maître de conférences à l’Université de Strasbourg, spécialisé en microbiologie, fait le point ici.

Puis rencontre avec Christian Artzner (brasserie Perle), pour qui, la fabrication de la bière repose sur un triptyque bien calibré entre cuisine, technologie et… magie. À lire ici.


Par Cécile Becker et JiBé Mathieu
Photos Pascal Bastien