La réappropriation d’un premier maillon
Car au-delà de l’avantage écologique, l’upcycling présente également un avantage économique, qui peut être pré- ou post-consommateur. Côté consommateurs, dans nos pays dits développés, nos grands-parents de classe populaire donnaient aussi une deuxième vie à leurs objets, non par conscience écologique mais par nécessité financière et absence de recyclage industriel oblige ! Pour les entreprises, comme le signalent Dina et Benoît, le coût de la matière première récupérée, détournée et revalorisée est très souvent moins important que le coût de la même matière neuve : « Le procédé rallonge la phase de recherche parce qu’on est dépendants de nos trouvailles, mais le temps de création pure est raccourci. Le problème c’est quand le projet est pour après-demain, ou que l’objet d’occasion exige une mise aux normes coûteuse… Là seul Amazon peut suivre. »
Cette question du coût appelle en fait une réponse ambivalente. Pratique typique de l’économie circulaire, l’upcycling permet, à partir de rebus mondialisés, de relocaliser la production d’objets sur le territoire français. Aussi, si l’achat de la matière première coûte moins cher aux créateurs, les emplois que sa valorisation nécessite coûtent plus cher que des emplois délocalisés. Le prix de la dignité humaine, qui vient doper l’économie locale, se répercute forcément sur le prix d’achat.
Du point de vue du consommateur, le prix d’un objet upcyclé est ainsi plus proche d’un objet neuf milieu voire du haut-de-gamme – on y revient ! –, que de celui pratiqué sur le marché de l’occasion « dans son jus ». Or si tous les objets upcyclés sont de seconde main, tous les objets de seconde main n’ont pas fait l’objet d’une transformation impliquant main d’œuvre et savoir-faire. Une différence non-négligeable, mais souvent ignorée.
« Mieux vaut un objet maladroitement upcyclé que définitivement jeté ! »
_ Lisa Burgstahler
En ce sens, l’upcycling est surtout l’apanage d’une production artisanale, cette question du coût limitant de fait la pratique à de petites et moyennes structures. À l’échelle industrielle, le modèle financier paraît difficilement tenable, en tout cas aujourd’hui, sans répercussion prohibitive sur le prix ou sans subventions. Peut-être une piste vers l’artisanat de demain, pas seulement made mais remade in France.
Qu’il découle d’un choix créatif ou militant, reste que les conséquences de l’upcycling, lorsqu’il est bien pensé, sont les mêmes pour l’environnement et pour l’économie. Et quand bien même, « mieux vaut un objet maladroitement upcyclé que définitivement jeté » selon Lisa Burgstahler. Aussi, si l’anglicisme semble assimiler une logique de consommation sensée et pas franchement récente à une tendance possiblement limitée dans le temps, n’est-il pas forcément nécessaire de s’en formaliser. Les tendances jouent aussi leur rôle dans la sensibilisation du grand public ; en témoigne la progression de la logique écologique dans les ateliers strasbourgeois (lire nos articles sur Patincoofin, Beatrix Li-Chin Loos et Tête d’orange). Upcycling ou réemploi, appelez-le comme vous voulez, le fait est que le principe va perdurer.
Par Chloé Moulin
Photos Simon Pagès