Sur le grill : le céleri-rave

Moche et écoeurant pour les uns, charmant (justement parce qu’il est moche, cqfd) et plein de saveurs pour les autres, le céleri-rave est largement cultivé en Alsace (mais pas que, bien sûr). Zut milite pour son retour sur les tables curieuses – d’ailleurs le pape des légumes, Alain Passard, le mentionnait récemment sur sa page Instagram.

céleri-rave © Alexis Delon Preview
Il est pas beau notre céleri-rave ? Photo : Alexis Delon / Preview

Lorsqu’on dit qu’un mets nécessite des années pour se révéler aux papilles, il faut être honnête, c’est qu’il y a anguille sous roche. Une robe pas franchement ragoûtante et un goût un peu terreux — s’il n’a pas été bien cultivé, mon capitaine — : le céleri-rave, c’est un peu l’ado de notre bac à légumes. Il est là (en hiver, le choix réduit des étals nous force à le considérer), on ne sait pas trop quoi en faire, il est plein de boutons (ces aspérités difficiles à éplucher) et rechigne a priori à s’accommoder avec ses petits copains. Et pourtant…

Je t’aime moi non plus
C’est quoi, le problème ? Difficile à dire. Le céleri-rave a de tout temps été boudé. Après avoir mené des recherches dans des livres de recettes traditionnelles et anciennes publiés en Italie, où le céleri-rave est réputé plus savoureux, le chef d’origine italienne Tommaso Melilli, auteur du livre Spaghetti Wars et du podcast Finis tes légumes, écrivait récemment dans un article publié sur Slate : « Comment peut-on cultiver un légume pendant des décennies, le reconnaître comme issu de son terroir, et n’imaginer aucune stratégie spécifique pour le consommer ? Je n’en revenais pas. »
Peu de recettes, peu de techniques et de savoirs transmis par nos aïeux pour apprivoiser et apprécier le céleri-rave expliquent la relation conflictuelle entretenue avec ce légume racine. Il faut alors regarder aujourd’hui et maintenant (avouez que c’est appréciable ; c’était pas toujours mieux avant) et se tourner vers la jeune garde. The Independent décrétait l’année 2016 comme LE millésime du céleri-rave, en citant notamment les moules cuites à l’eau de céleri de « l’éco chef » chef britannique Tom Hunt.

De la terre à l’assiette
Didier Helmstetter, jardinier paresseux (son livre Le Potager du Paresseux s’est arraché à 20 000 exemplaires, le deuxième tome est en route) installé à Rosheim, pratique la phénoculture (sur le foin). En gros, la permaculture pour les flemmards : pas de compost (selon lui, le compostage à l’usage des potagers est « une énorme connerie ») mais un tapissage régulier et anarchique de déchets organiques et de foin pour mieux répartir la biomasse et nourrir la terre pour « qu’elle fasse le boulot toute seule ».
Lui plante ses céleris-raves la première quinzaine de juin et les récolte avant les premières grosses gelées, pour éviter que le cœur ne pourrisse. « C’est un légume très exigeant, il a besoin de beaucoup d’eau et de beaucoup de nutriments. » Il les conserve en silo, sous la terre, pour en manger tout l’hiver. Ses conseils pour le choisir : « Comme le melon, il faut le sentir : qu’il s’en dégage une bonne odeur de céleri. Il ne faut jamais le prendre trop gros, au risque qu’il soit creux et fibreux. » À la dégustation, un bon goût de noisette qu’on associera volontiers à la pomme pour une salade de compét’ ou tout simplement en remplacement de notre bonne vieille patate.

Zut, il en a sous la croûte !
Notre D.A mode et design, Myriam Commot-Delon, nous livre sa recette préférée : le céleri-rave en croûte de sel d’Alain Passard (encore lui !). « J’en suis tellement dingue que j’ai spécialement acheté une petite cocotte en fonte Staub. Elle m’évite de mettre trop de sel et permet de passer en beauté du four à la table. Le meilleur moment : quand on soulève le couvercle devant ses invités, prélève la boule après avoir brisé la croûte de sel et qu’on le dépose sur une belle planche de bois pour le découper en grosses tranches. Un filet d’une (très) bonne huile d’olive ou un morceau de beurre fermier et hop ! Rien d’autre. Ou des Saint-Jacques snackées. » 1 céleri-rave bien brossé déposé dans une cocotte, 1 à 2 kg de gros sel (suffisamment pour recouvrir le céleri), 1h30 à 2h de cuisson dans un four à 180-200°C. Le tout pour moins de 8€.


Didier Helmstetter, Le Potager du paresseux. Produire en abondance des légumes plus que bio, sans compost, sans travail du sol, sans buttes, éd. Tana


Par Cécile Becker
Photo Alexis Delon / Preview
Stylisme Myriam Commot-Delon

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