Henri Walliser devant ses gravures à L'Evasion à Sélestat. © Fabrice Voné

Henri Walliser sous toutes les coutures

Le graveur mulhousien Henri Walliser décline son vêtement fétiche, un vieux blue-jean fabriqué dans les Vosges au début des 80’s et porté par l’artiste durant des lustres, sur les murs de L’Évasion à Sélestat. Il utilise aussi bien le kraft que le papier Arches, le burin et la pointe sèche, ose les couleurs en mélangeant parfois aquarelles et peinture acrylique pour un rendu plus pictural. « C’est peut-être ma part féminine qui ressort car ma gravure est davantage rock’n’roll et rentre-dedans », indique-t-il. Influencé par le pop art et Nebraska, l’album lo-fi de Bruce Springsteen, Henri Walliser se dévoile sous toutes ses coutures pour Zut. 

Oeuvre de Henri Walliser, Jeans XII
Jeans XII, Henri Walliser

Le blue jean 

« J’ai travaillé pour Rémy Bucciali à Colmar, qui est le spécialiste de la gravure en Alsace. En 2014, on a dû interrompre notre collaboration pour des raisons financières. J’étais malheureux et, quelques mois après, j’ai posé le jean que j’utilisais pour imprimer chez lui. Il était noir d’encre et maculé de tâches de couleurs. Je me suis dit que j’arrêtais ma vie professionnelle pour les autres et que c’était à mon tour de devenir artiste. J’ai donc posé ce jean sur un crochet et j’ai commencé à le dessiner, le graver, l’imprimer et à en faire une série. Le graveur Robert Rauschenberg dit qu’il n’y a pas de mauvais sujet. Pour le moment, ça reste un fil conducteur. »

Le message

« En cherchant les origines du vêtement, je me suis rendu compte qu’il était porté par les marins génois. La France a ensuite essayé de le copier à Nîmes avec le denim. Ce tissu a ensuite été acheté par les Américains qui en ont fait un vêtement résistant. Et c’est Levi Strauss qui a commercialisé le jean tel qu’on le connaît avec des rivets et des coutures oranges. Au départ, c’était un vêtement pour les bûcherons. De vêtement de travail, le blue-jean est devenu un vêtement de révolte dans les années 1960 comme dans L’équipée sauvage avec Marlon Brando. Les gens que j’aime bien dans le rock – Patti Smith, les Ramones et Bruce Springsteen – portent le jean. Maintenant, c’est devenu complètement uniformisé. Tant mieux mais il faut savoir que les nouveaux jeans, qui sont vendus troués et délavés, sont très dangereux. À côté de mon travail, j’essaie de diffuser ce message : n’achetez pas ce genre de jean car il tue chaque jour un ouvrier en Chine et au Bangladesh. »

Nebraska de Bruce Springsteen

« Cet album correspondait parfaitement à mon état d’esprit. Le Nebraska est l’état le plus pauvre des États-Unis. C’est un album assez roots, il y a très peu d’instruments. J’ai voulu garder cet esprit de simplicité dans la mise en page et dans la thématique. J’ai donc décliné le blue jean sous ses formes les plus communes, soit sur une vue d’ensemble, soit sur une vue de détail. »

Le pop art 

« Le pop art a toujours été une référence par son accessibilité. J’essaie d’être le plus proche de mon public quand c’est possible. Tout ça, c’est un travail de série. Un tableau ou image pop, c’est chic, c’est pas cher, c’est intelligent, c’est jeune, c’est sexy et c’est fabriqué en série. C’est la définition de Richard Hamilton. Et Warhol l’avait très bien compris même si là on est dans une tradition beaucoup plus graphique, presque rhénane. »

Graveur rock’n’roll

« On dit souvent que je suis un graveur rock’n’roll. Ce n’est pas évident à porter mais cela me convient même si j’écoute d’autres styles de musique. Rémy Bucciali me disait toujours que je me situais quelque part entre trivialité et sophistication, ce qui veut quand même dire que je suis capable du meilleur comme du pire ». 

Mulhouse

« Je suis né, vis et crée à Mulhouse après avoir fait les arts déco à Strasbourg. Quand j’ai posé mon jean, j’ai compris que je n’étais plus dans le jeu de la société mais dans un autre tempo. Celui de l’artiste qui n’est pas forcément un tempo d’industrie bien que je suis dans une ville qui produit des milliers de voitures par jour avec des centaines de cheminées, comme un petit Manchester, on a cet amour du travail bien fait. C’est une ville chaleureuse, hospitalière, c’est un labo avec 130 nationalités qui cohabitent bien. Je sui fier d’être Mulhousien et la vie est nettement moins chère qu’à Strasbourg. »


Jeans, gravures, exposition d’Henri Walliser
Jusqu’au 1er mars à L’Evasion à Sélestat

Par Fabrice Voné

Henri Walliser expose les gravures de son blue-jean à L'Evasion à Sélestat. Oeuvre : Jean IX
Jean IX, Henri Walliser.