Bastien Vivès : tortue géniale

Bastien Vivès dans le cadre de Livre sur la place à Nancy - Photo : Thibaud-Dupin

À trente ans passés, l’étiquette de petit prince de la bande dessinée française colle toujours à la peau de Bastien Vivès, qui arbore longue crinière et anneau de pirate. Il entame l’entretien lesté d’une énorme pizza quatre fromages ; logique pour ce fan des Tortues Ninja, dont l’appartement parisien est envahi par les figurines des quatre reptiles. « Quand j’étais gosse, je ne voulais pas être Batman : je voulais être la cinquième tortue », glisse-t-il.
L’enfance, l’adolescence ou la gent féminine sont des thèmes récurrents dans les univers de Bastien Vivès, même lorsqu’ils semblent se trouver à des années-lumière les uns des autres. Les délicats Le Goût du chlore et Polina (bientôt adapté au cinéma par Angelin Preljocaj, avec Juliette Binoche) l’ont propulsé sur le devant de la scène. « Les lecteurs pensent que je connais super bien la psyché féminine : en fait, j’ai toujours été largué, alors je me racontais des histoires en imaginant les personnages féminins. » À côté de ça, Vivès s’éclate : il livre le pornographique Les Melons de la colère ou une série à l’humour dévastateur dans la collection Shampooing chez Delcourt. « On peut trouver ça horrible, cruel ou bête, moi j’adore ce côté provoc’, ou faire une BD où je mets tous mes fantasmes, explique-t-il. Je pense que les gens sont assez intelligents pour faire la différence avec la réalité. »
Depuis 2015, il s’est lancé, aux côtés de Mickaël Sanlaville et Balak, dans un manga à la française, Lastman, prochainement décliné en jeu vidéo et en série animée. « On a adopté le format et la méthode de travail du manga, mais on n’a pas voulu en utiliser tous les codes : c’est un public différent qui a adhéré à Lastman. » Vivès, ce n’est pas qu’une vista : c’est un talent à géométrie variable, celui d’un génie qui fait croire à tout le monde qu’il est un gamin immature.


Propos recueillis le 12 septembre
dans le cadre du Livre sur la Place à Nancy
Lastman, Casterman

Par Benjamin Bottemer
Photo Thibaud Dupin