On en oublie que le groupe a fini par s’imposer, au point de devancer les stars de l’époque.
Absolument, au début des années 80, The Jam était largement plus populaire que le Clash ou les Damned. Aujourd’hui, on a du mal à établir cette hiérarchie-là, mais les charts d’époque l’indiquent clairement : ça paraît étrange quand on tombe sur les classements du Melody Maker et qu’on trouve Ashes to Ashes de Bowie derrière Start de The Jam.
The Jam, comme les Kinks avant eux, ne réussissent jamais à exporter leur musique, ni sur le continent ni aux États-Unis. Sont-ils trop Anglais ?
Il y a forcément de cela. L’adhésion aux Jam est beaucoup passée par les textes. Pour un public non anglophone, c’est compliqué. Pour les États-Unis, les marottes sixties ne collaient pas à l’ère du temps, même si dans les obsessions de Weller on trouve beaucoup de musique afro-américaine.
Vous nous le rappelez, The Jam tranche également avec les autres groupes du mouvement punk.
Oui, dès le premier album, on découvre une reprise de Slow Down de Larry Williams ou le thème de Batman. Le groupe se distingue de suite. Autant les artistes du punk étaient fascinés par Bowie ou Roxy Music ou par les précurseurs du punk américain, The Stooges ou le MC5, autant les Jam ne s’inscrivaient pas dans cette culture. Ce qu’ils avaient en commun c’est qu’ils étaient jeunes, plein d’énergie et qu’ils se sont retrouvés dans le grand bain en même temps. Après, on le sait, il n’y a pas d’uniformité dans le punk.
Les aspirations de Paul Weller se situent effectivement ailleurs, il le prouve ensuite avec The Style Council, puis en solo. Il ouvre une voie à la pop anglaise dans les années 80, puis la décennie suivante.
C’est le cas avec ses apports empruntés à la musique soul. Ces éléments vont prendre beaucoup d’importance pour les générations qui vont suivre. Au début des années 80, les groupes anglais retournent à la source nord-américaine, soul et funk. Ensuite, il prend de nouvelles directions tout au long de sa carrière solo – la critique en France, notamment, n’est pas tendre avec lui – ; ses échecs ne sont pas si nombreux, et le Paul Weller que j’affectionne se situe souvent dans la période des années 2000. Ses 15 dernières années me paraissent parmi les plus abouties. Il ne s’est jamais installé – ou qu’à de très rares occasions – dans sa zone de confort. Si l’ouvrage permet la (re)découverte de cette partie de son oeuvre j’en serais absolument ravi.
NICOLAS SAUVAGE,
Life From A Window : Paul Weller et l’Angleterre pop,
Camion Blanc
Rencontre avec l’auteur le 5 octobre 2019 à 14h
à la Maison des Associations, 1a place des Orphelins, à Strasbourg
(organisée par Gabba Gabba Hey, Hiéro Strasbourg
et la plateforme musiquesactuelles.net,
dans le cadre de son cycle sur le mouvement Mods)
Propos recueillis par Emmanuel Abela