Dans la continuité de Fathi Khémissi

Rencontre avec Fathi Khémissi de l’atelier strasbourgeois Continuum qui a signé les deux sérigraphies extraites de notre hors-série Un seul amour et pour toujours à partir des couvertures de Mickaël Dard et Grégoire Carlé.

Fathi Khémissi dans son atelier
Fathi Khémissi dans son atelier à Strasbourg © Christoph de Barry

« J’ai fait 1001 métiers », prévient-il. Et encore ! On n’a pas abordé le chapitre musique avec Fathi Khémissi qui joue de la trompette avec Le Bruit du Frigo après avoir longtemps oeuvré au sein des Dahus. En réalité, on n’a, pour ainsi dire, pas vu le jour dans le dédale de son atelier de la rue de Molsheim à Strasbourg aux airs de fourre-tout avec des machines d’un autre siècle, des outils et quand même beaucoup de couleurs.
L’homme, aujourd’hui âgé de 57 ans, a mis du temps avant de trouver sa voie en temps qu’artisan sérigraphe au sein de Continuum, collectif de designers qui a vu le jour en 2012. Né à Wissembourg, il se retrouve avec ses parents dans les manifs de mai 68 au poste douanier de Kehl avant de partir en Algérie puis en Tunisie. « Je n’étais pas très bien là-bas, je parlais français, on me jetait des cailloux. Un jour, j’ai fugué », raconte-t-il. Retour en Alsace. Fathi a 13 ans et le lycée a tendance à le « barber ». « Je commençais à sortir le soir, passer par la fenêtre, jouer au flipper, ce genre de trucs. »
L’adolescent se réfugie chez les Compagnons du Devoir où il entreprend une formation de couvreur-zingueur. « Un métier dur. Il y avait encore des coups de pieds aux fesses et des échelles de douze mètres que tu montais avec une pile d’ardoises sur l’épaule. Physiquement, je n’étais quand même pas taillé pour la chose », se marre-t-il. Sa souffrance s’atténue cependant avec les cours de dessin technique où il pénètre dans la « 3e dimension » en maniant le té, l’équerre, le compas et le calque. « C’est là que j’ai renforcé ma sensibilité pour le graphisme », reconnaît-il. Une appétence qui ne cessera de tourner autour de lui malgré tous les petits boulots qu’il va cumuler dans le bâtiment, le social, l’informatique ou en tant que serveur au buffet de la gare et livreur pour la Fnac. 

Fathi Khémissi Continuum
Fathi Khémissi a signé les deux sérigraphies ayant trait à notre hors-série Un seul amour et pour toujours consacré à 40 ans de passion autour du RC Strasbourg © Christoph de Barry

Au milieu des années 1980, Fathi entend se destiner à la photographie. « Ma plus belle photo devait être celle de la gare de triage de Hausbergen. Sauf qu’en montant sur un wagon de marchandises, je me suis fait happer par un arc électrique ». Résultat : deux mois d’hôpital durant lesquels se fomente son intérêt pour la sérigraphie. Celui-ci se renforce lors d’une mission d’intérim chez Alcatel où il se retrouve à fabriquer des circuits imprimés avec de l’encre verte.
Mais c’est auprès d’un artisan chez Art et Publicité qu’il va vraiment apprendre le métier. « Il m’a donné tous les gestes et les connaissances, j’ai découvert les produits et les encres et appris à caler sur l’écran, la table », se souvient-il. S’en suit une mission chez une architecte où il se retrouve à dessiner les plans du projet de réhabilitation du foyer Notre-Dame. Début 2000, il rencontre l’illustrateur Laurent Wagner qui anime des ateliers de sérigraphie à la prison de l’Elsau. Fathi hérite de son matériel pour enfin se lancer dans sa passion et trouver un local qu’il transforme en atelier en compagnie de la graphiste Sarah Lang. 

Continuum est sur les rails. Le collectif tout-terrain se signale par de spectaculaires réalisations à l’image du carrelage qui orne le bar Super Tonic, la brasserie lyonnaise Bouillon Baratte ou encore un cinéma de Nîmes, mais aussi dans le milieu de l’édition et du textile. Sans parler de l’Arche de Noël qui se tient au 19A de la rue de Molsheim et réunit actuellement la grande famille de Continuum.
Si la pandémie a décalé certains projets, comme celui de faire de son atelier « un lieu qui permette d’accueillir du monde, aussi bien des étudiants que des gens intéressés par la pratique de la sérigraphie, des ateliers et des résidences d’artistes », Fathi s’est récemment retrouvé sur un autre terrain de jeu. Celui du Racing Club de Strasbourg en réalisant deux sérigraphies à partir des couvertures, signées Mickaël Dard et Grégoire Carlé, de notre hors-série de 436 pages Un seul amour et pour toujours consacré à 40 ans de passion autour du club strasbourgeois. Deux créations qui sont en vente à la Vitrine Chicmedias, au 14 rue Sainte-Hélène à Strasbourg, ainsi que sur notre nouvel e-shop. 


Par Fabrice Voné
Photos Christoph de Barry