Même s’il s’agit d’une reprise des sixties, Marc Almond, boucles circulaires aux oreilles et bijoux métalliques autour du cou et des poignets, sait pertinemment qu’il entonne là un hymne à l’amour à mort, au « sid’amour » comme le chanta Barbara, un peu plus tard, en 1987. La musique est très présente dans l’exposition du MAMCS : « Sign o’ the Times » accueille le visiteur dans le « Couloir du temps », une « Aids timeline » où sont affichés documents, articles de presse, flyers ou stickers retraçant à rebours cette péripétie tandis que Prince fait ce triste constat : « En France, un homme maigre est mort d’une grosse maladie au petit nom. Par hasard, sa copine est tombée sur une aiguille et bientôt elle a fait de même. » Après ces mots, ces murs tapissés de slogans, nous pénétrons dans les nuits fauves de l’expo-cité, avec ses instants de « joies omniverselles » et ses moments de mauvais sang…
Small town boy
Parcourir « Aux temps du sida » revient à se perdre dans une mégalopole pleine de lieux de vie, de culture, de distraction, mais aussi des coins sombres et bien cachés (il faut avoir l’esprit curieux pour découvrir certaines pièces) ou des ruelles étroites, des routes sinueuses et des coupe-gorges. Comme dans toutes les grandes villes, il y a une discothèque ressemblant au mythique Palace parisien : une Dance box vibrant aux sons synthétiques de « Tainted Love ». Plus loin, une salle de ciné qui passe en boucle une scène de danse issue de 120 battements par minutes (Robin Campillo, 2017) ou plus contemplative de Tout sur ma mère (Pedro Almodóvar, 1999), une chambre d’hôtel (conçue par Dominique Gonzalez-Foerster en hommage à Felix González-Torres), un théâtre avec des rideaux brodés de perles signés Jean-Luc Verna, une banque pleine de Billets de sang (billets de cent… francs tachés d’hémoglobine de et par Michel Journiac), un cimetière où l’on salue la mémoire des absents ou même une chapelle décorée de pudibonderies LGBT+ des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, ordre de drag-nonnes qui prêchent la bonne parole anti-homophobie. Selon Estelle Pietrzyk, celle-ci s’est construite autour la la notion de « pensée-émotion » que David Wojnarowicz évoque dans son ouvrage Au bord du gouffre quand il s’adresse « à tous les gars et les filles passés et à venir qui donnent au chaos du sens et de la joie ».