Family affair

Cheffe et créatrice du Café Mirabelle à Paris, Marion Goettlé vient de Lampertheim où ses parents sont toujours restaurateurs et a fait ses gammes de cuisinière à l’école hôtelière d’Illkirch et surtout, garde l’Alsace au cœur. Des allers-retours incessants pour nourrir des assiettes made in chez nous.

Fin de service de midi à la D’Steinmuehl en cette journée printanière. À la carte, des asperges d’Alsace à déguster sous toutes leurs formes, une déco typique à base de kelsch, photos surannées et vaisselle d’époque, qui rappelle celle du restaurant de la cheffe parisienne Marion Goettlé, de passage à Lampertheim pour quelques jours. « Quand je rentre, c’est un peu comme si je rentrais dans le ventre de ma mère. L’Alsace c’est ma famille, mon identité ! »  affirme la cheffe.

Marion Goettlé © Pascal Bastien
Marion Goettlé est issue d'une longue lignée de restaurateurs alsaciens. © Pascal Bastien

L’objet de sa venue : le tournage de la nouvelle saison de la série culinaire Planète Chefs de Canal +, retraçant le parcours de talents de la gastronomie et remontant jusqu’aux sources de leur savoir-faire. Les sources de Marion sont ici, elle les puise dans cette winstub tenue depuis 25 ans par ses parents. Un berceau familial de restaurateurs sur plusieurs générations qui lui a ouvert la voie de la cuisine et le sens du partage. Son grand-père-maternel Paul Schloesser, dirigeait la mythique Maison Kammerzell – à l’époque où elle était encore auréolée d’une étoile – et l’Ami Schutz, taverne traditionnelle de la Petite France : « J’ai une chance folle d’avoir grandi dans une famille de restaurateurs et de bons vivants qui aiment se réunir, où tout est toujours dans l’opulence et dans la générosité. Ça t’inculque des valeurs qui sont presque innées… » Cet héritage de la bonne bouffe, simple et gourmande, elle l’insuffle depuis cinq ans chez Café Mirabelle, une adresse sans chichi nichée dans le 11e arrondissement de Paris, dans laquelle elle joue toutes les facettes sucrées et salées de sa région d’origine. C’est dans un décor marqué d’une forte empreinte alsacienne qu’elle récite une cuisine d’inspiration : bibeleskaes, fleischnecke, käseknepfle ou l’iconique kougelhopf se sont fait une place de choix sur la carte, qui évolue au fil des saisons. Les tartes flambées ont aussi fait leur entrée, depuis que le restaurant joue les prolongations en soirée les fins de semaine. « Ce que j’aime dans la gastronomie alsacienne, c’est qu’on cuisine avec des produits “pauvres” et donc accessibles. On retrouve souvent dans nos spécialités les pommes de terre, le fromage blanc et le porc comme bases de plats. C’est une cuisine populaire qu’il faut réussir à sublimer. »

Pour se fournir, Marion a dû sourcer des producteurs de Picardie pour les asperges et de la Drôme pour les mirabelles : « C’est trop compliqué de s’approvisionner chez des producteurs alsaciens quand on est à Paris. On croit souvent qu’en étant dans la capitale on peut tout trouver, mais c’est faux. Il m’arrive même de demander à ma sœur de ramener du Melfor dans sa valise pour mes vinaigrettes ! »

Marion Goettlé © Pascal Bastien
Pour la cheffe Marion Goettlé, tout part du respect, de la connaissance du produit et de l’amour qu’on met dans l’assiette. © Pascal Bastien

L’amour est dans le plat 

Il y a de l’amour et de la générosité dans l’assiette de Marion, jusqu’à dans sa façon de raconter sa cuisine. Sa vision. Elle l’incarne et l’a affûtée lors de ses expériences dans quelques grandes maisons alsaciennes et parisiennes. Elle s’est formée à l’école hôtelière d’Illkirch avant d’intégrer plusieurs brigades pour apprendre le métier de pâtissière. C’est en stage à l’Arnsbourg auprès du chef pâtissier Nicolas Multon (aujourd’hui à la Villa René Lalique) qu’elle fera ses premières armes : « J’ai découvert une vision plus moderne, loin de la gastronomie à l’ancienne des années 90-2000 où il fallait travailler un même produit dans l’assiette de plusieurs manières. Le chef Multon m’a appris qu’on pouvait travailler un produit comme élément central et le valoriser avec d’autres éléments. Une révélation ! » 

Pour la cheffe engagée, tout part du respect, de la connaissance du produit et de l’amour qu’on met dans l’assiette : « Si je suis préoccupée et que je donne moins d’amour dans mes préparations, ça se ressent ! J’ai travaillé dans des grandes maisons où techniquement le résultat était propre, mais il n’y avait pas d’amour. Ce n’était pas généreux. » 

C’est également au côté de son compagnon, le chef toscan Michele Farnesi à la tête du restaurant parisien Dilia, qu’elle continue d’explorer cette vision en mixant parfois ses influences, comme cette recette d’asperges vertes proposées à l’huile d’olive, ail, anchois et citron ! 

Son amour du métier et son engagement s’expriment également à travers le collectif Bondir.e qu’elle a co-fondée avec une vingtaine de femmes cheffes, dans le but d’organiser des ateliers de prévention auprès d’étudiant.e.s des lycées hôteliers pour les sensibiliser sur les violences en cuisine, qu’elle a elle-même subies « parce qu’on n’est pas obligé d’avoir l’impression d’aller à la guerre à chaque fois qu’on va travailler… ».


Café Mirabelle
16, rue de la Vacquerie à Paris

cafemirabelleparis.wixsite.com


Par Caroline Lévy
Photo Pascal Bastien