Quelques notes de musique, un ou deux tabliers tachetés, sans oublier le traditionnel café allongé : tout semble en place. La journée de Rudy peut commencer. Comme chaque matin, dissimulé dans son atelier strasbourgeois bien planqué, le céramiste de 35 ans s’affaire à popoter. Il ne le répétera jamais assez : l’émail, c’est sa recette préférée. Après avoir joué au chimiste chevronné, Rudy moule, coule, façonne, estampe, tourne. À l’intérieur du vaste local de 120 m2, c’est un infernal ballet de terres cuites qui se joue, toutes en lice pour espérer remporter le titre de la plus chouette des assiettes.
Vaisselle à la pelle
Il faut dire qu’il en a, Rudy, des petites auges raffinées. C’est sa spécialité. Étagères, fours, tables… pas un seul recoin de son repaire n’est épargné. Et bien malheureux est celui qui s’amuserait à vouloir les compter. Perfectionniste, le céramiste n’hésite jamais à en jeter par poignées. « S’il y a un petit défaut, quelque chose qui ne me plaît pas, je ne les montre pas, ni ne les vends. Je ne les donnerais même pas à mes proches ! » Ce qu’il préfère ? Jouer sur les volumes, les arrondis, les contours symétriques mais aussi ceux un peu fêlés, ne perdant rien de leur beauté. « Je crée également des objets par accident, qui sortent après avoir fait des tests inattendus. L’important, c’est d’être en constante recherche, toujours essayer, faire de son mieux. » Pour y parvenir, Rudy s’inspire sans réserve des mondes gastronomiques. Celui du produit noble, cuisiné, mais aussi celui du dressage. Une fois devant les convives, ceux-là ne doivent faire qu’un. L’artiste le sait bien car avant de nouer ses tabliers criblés d’argile dans son atelier, il en a raccroché d’autres au tissage plus pailleté.