Comment parle-t-on d’un vin ?
Bien sûr, il faut avoir les bases techniques, mais de plus en plus, ce qui importe, c’est ce qu’il y a derrière l’étiquette et derrière la bouteille. Les qualités organoleptiques d’un vin sont tout aussi importantes que la philosophie derrière un domaine ou le travail du vigneron. Un vigneron qui ne se verse pas de salaire, ou qui a dû subir un gel, ce sont des choses qui entrent en ligne de compte. J’ai beaucoup de mal à acheter un vin si je n’ai pas rencontré le vigneron. On donne plus de plaisir quand c’est quelqu’un qu’on connaît et qu’on défend.
Y a-t-il un moment où le travail s’arrête ?
C’est assez compliqué de s’arrêter quand on est passionné… Sur les jours de congés, on va ouvrir 5-6 bouteilles pour découvrir de nouvelles choses, on va visiter le vignoble… Dès que j’ai un instant de libre, je vais lire un livre sur le vin, chercher des infos sur Internet. Ça prend une grande part de ma vie. Ça va au-delà du métier, c’est une passion : pour la rencontre avec un vigneron, pour un bon repas, pour un bon moment. Qu’est-ce que c’est, sinon du partage ?
Le Chambard abrite deux restaurants, et le bar de l’hôtel, comment travaillez-vous les cartes des vins ?
La grande carte de La Table gastronomique est la vitrine, elle fait la part belle à l’Alsace et à ses grands crus, mais on y trouve aussi des vins différents : macération, vins oranges… On a une très belle carte en Bourgogne, de vins de Savoie, du Jura qui est une région que j’aime beaucoup. On essaye de faire un travail sur la mise en vieillissement, de mettre des millésimes de côté. À La Winstub, il y a un accent plus local encore, avec des cépages plus modestes, des coups de cœur aussi. Que ce soit à la Table ou à la Winstub, il y a un service de sommellerie, c’était important pour moi. Il y a autre chose qui m’importe, c’est l’éthique, qui doit rester la même de 25 à plusieurs milliers d’euros la bouteille. Au Bar, nous faisons une sélection de spiritueux : eaux-de-vie d’Alsace, rhums, whiskies, comme si construisait une carte des vins. En tant que grand fan de gin tonic, je me dois de préciser que nous avons une cinquantaine de gins et une dizaine de tonic différents.
Comment travaillez-vous avec le chef Olivier Nasti ?
J’ai un petit avantage : j’ai commencé par la cuisine. Donc quand je vois une sauce, quand j’entends parler d’une technique, ça me parle. Il y a une belle complicité avec le chef : dès qu’il y a un nouveau plat, on le goûte et on va trouver du lien, trouver un accord. Après, ce sont des grandes lignes : pour un plat, trois clients vont peut-être boire trois vins différents.
Que vous permet votre récent titre de meilleur ouvrier de France ?
L’état d’esprit n’a pas changé, il faut toujours se remettre en question, garder une certaine humilité. Le meilleur juge, c’est le client. On a la chance d’avoir une clientèle qui nous fait confiance mais avec le titre, j’ai la sensation que c’est plus exacerbé. Les clients nous laissent très souvent carte blanche. Il ne faut jamais se reposer sur ses acquis, on a un devoir d’exemplarité.
Au Chambard
9-13, rue du Général de Gaulle à Kaysersberg
Propos recueillis par Cécile Becker