Ce texte est un merveilleux terrain de jeu théâtral, comme vous le disiez : pour vous, c’est du pain béni !
Je crois très fort dans la force du théâtre, en ces capacités visuelles, performatives, scéniques. Je suis amoureux de tous les aspects du théâtre : le maquillage, les postiches, les machineries, la fumée, le son… Schwartz ne se bride absolument pas dans son écriture, et on développe cet univers magique. Par là, j’affirme un théâtre qui touche à la fois le cerveau mais aussi les yeux, les oreilles, le cœur, l’âme. Le théâtre est un outil avec beaucoup de facettes et c’est par là qu’il est opérant : il met en circulation la pensée. On doit se remettre en réflexion des sujets, ces questions doivent être posées – et je n’apporte jamais de réponse –, et tous les outils du théâtre permettent de brasser la pensée pour que, surtout, elle ne se fige pas. Faire humanité ensemble est un travail de tous les instants, et le théâtre ne sert qu’à ça.
Quel est votre rapport au monstrueux ?
Ça commence à se voir ? (rires) Les monstres sont mes personnages préférés car ils portent le théâtre. Le mot monstre vient de Monstrare en latin : c’est celui qui montre ou est montré. Pour certains comédiens, on parle de monstres sacrés. Et le théâtre doit montrer les travers, les failles, comme un miroir grossissant, une loupe sur nos humanités. Il rend superlatif les caractères : dans la vie, les monstres sont plus discrets mais plus dangereux. Richard III, Atrée (le monstre de Thyeste, ndlr), Médée, des monstres poussés au bout de leur « difformité », sont les personnages les plus théâtraux qui soient. Le monstre, c’est celui qui sort de l’humanité, qui dépasse les lois du faire ensemble.
Le Dragon, texte Evgueni Schwartz, mise en scène Thomas Jolly
Du 4 au 8 février au Théâtre National de Strasbourg.
Par Sylvia Dubost