Rythmes & Sons, à fond la caisse

La société Rythmes & Sons fabrique des flight-cases depuis plus de 30 ans à Illkirch-Graffenstaden. Son savoir-faire dépasse le cadre du monde de l’événementiel et séduit aujourd’hui les fleurons du luxe et de l’industrie. Un reportage paru dans notre hors-série L’artisanat dans l’Eurométropole de Strasbourg.

Fabrication flight-cases Rythmes & Sons © Christophe Urbain
Dans l'atelier de fabrication des flight-cases à Rythmes & Sons. Photo : Christophe Urbain

À Illkirch-Graffenstaden, l’entreprise familiale s’étend sur une plateforme de gestion ergonomique, route du Cor de Chasse. À l’étage, divers instruments renvoient au début de l’histoire de Claude Walter, le père, lorsqu’il était régisseur des Percussions de Strasbourg. Dans l’atelier, deux palettes avec des cloches d’église appartenant à l’orchestre radio-symphonique de Francfort attendent sagement la conception de leurs écrins. Dans le jardin tout proche, un chemin qui s’apparente en fait à un raccourci mène à deux entrepôts d’où émane un trait d’union entre artisanat et industrie

Fondée en 1981, la société Rythmes & Sons est justement à la croisée des chemins. Après avoir fait ses gammes dans la musique et l’événementiel, le savoir-faire de cette PME, qui emploie 25 personnes, est désormais plébiscité par divers secteurs d’activité : musées, mode, horlogerie, aéronautique, industrie pharmaceutique et sport automobile. Ainsi lorsqu’on questionne Claude Walter, 62 ans, sur sa relation à l’artisanat, les clichés prennent cher. « L’idée de l’ébéniste avec son poêle à bois et son crayon sur l’oreille, c’est bien pour la légende, dit-il avec le sourire.Interrogé pour savoir précisément ce qu’il a fait de son crayon, il répond du tac au tac. Il est entre mes deux oreilles ! »  

Toutefois, cet ancien guitariste de rock n’est pas sourd aux problématiques liées au monde artisanal. « Je ne veux surtout pas dissocier le travail manuel de la fonction intellectuelle, poursuit-il. Très souvent, on associe l’artisanat au travail manuel et pas forcément à une démarche intellectuelle. C’est dommage. Surtout en France où on a tendance à penser que lorsqu’on travaille avec ses mains, on ne travaille pas avec sa tête. Que ce soit dans la cuisine, la couture ou encore dans le bâtiment, vous avez quand même des gens qui ont la capacité de faire des choses, de les penser puis de les réaliser. C’est important de conserver ce processus. L’intérêt de la connaissance et de la maîtrise d’un métier, c’est de l’emmener plus loin. » Autour du monde par exemple, comme c’est le cas pour ses flight-cases qui font la réputation de l’entreprise alsacienne depuis des décennies et représentent aujourd’hui 70% de son chiffre d’affaires pour une production de 20 000 caisses par an.
Son expérience en tant que régisseur a permis à ce touche-à-tout, tendance débrouillard, de jauger des besoins des orchestres durant leurs tournées. 

Chariot Rythmes & Sons © Christophe Urbain
Photo : Christophe Urbain

Des caisses pour Sébastien Loeb

Au milieu des années 1980, le marché du flight-case est encore balbutiant dans l’Hexagone alors que la plupart des prestations nécessitant du son et des lumières sont assurées par des sociétés britanniques. Le boom de l’événementiel va cependant lui donner l’occasion de faire valoir son expertise sur le transport et l’emballage de matériel. « Aujourd’hui, tout est événementiel. Dans l’automobile, la présentation d’un nouveau modèle va générer un spectacle avec du son et des lumières. Même chose pour les défilés de mode », détaille Claude Walter.

À côté de cela, son entreprise fabrique, répare et commercialise des percussions ainsi que du mobilier d’orchestre allant de la chaise à l’éclairage de pupitre. L’Orchestre de Radio France, son homologue de l’Opéra Bastille, le Berliner Philharmoniker et l’Orchestre Bolivar figurent dans le carnet d’adresses de Rythmes et Sons. 
Depuis, il convient d’y ajouter Dior, Thales ou encore l’écurie de Sébastien Loeb. Non pas que le nonuple champion du monde des rallyes se soit laissé aller à pousser la chansonnette, mais il cherchait une solution pour transporter ses disques de frein en carbone en toute sécurité.

Pour ses prestigieux clients, les équipes de Rythmes & Sons établissent des produits sur-mesure selon les préceptes de l’artisanat. Une fierté pour le clan Walter. « Ce qui est important, c’est d’essayer de comprendre les gens et de leur proposer des solutions. Nous avons une obligation de résultats en matière de sécurité et il serait extrêmement dangereux de pouvoir penser que l’on peut s’en soustraire », reconnaît Claude. La meilleure illustration de cette philosophie se trouve vraisemblablement chez Thales, groupe d’électronique spécialisé dans l’aérospatial, dont le retour fut élogieux : aucune caisse cassée et zéro blessé recensé l’an dernier. Ergonomie toujours.

Ce nouveau virage pris par la société bas-rhinoise devrait bientôt être symbolisé par la création d’une nouvelle entité commerciale à destination de clients pas forcément portés sur la grande musique. « L’image de Rythmes & Sons est plutôt reconnue et bonne dans le monde de l’évènementiel. En revanche, on a un déficit de crédibilité vis-à-vis de l’industrie », souligne M. Walter.

Surtout que le besoin de trouver de nouveaux débouchés repose sur un triste constat. « En Europe, la pratique de la musique est en recul malgré des infrastructures conséquentes, développe-t-il. C’est aussi une tendance culturelle, l’apprentissage de la pratique musicale est quelque chose d’ingrat qui demande beaucoup de travail et implique des sacrifices personnels qui sont moins dans l’air du temps. En France, on ne l’aborde pas de manière suffisamment ludique. On ne demande pas aux jeunes ce qu’ils ont envie de jouer tout en insistant sur la connaissance parfaite du solfège. Il faudrait réajuster cela dans le but de favoriser la pratique ». Sur le coup, les cloches de Francfort, situées en contrebas, n’ont pas bronché.

Atelier Rythmes & Sons © Christophe Urbain
Photo : Christophe Urbain

Esprit de famille

Sur les 25 salariés de Rythmes & Sons, la famille Walter représente 20% de l’effectif. « On n’a pas élevé nos enfants dans l’idée qu’ils allaient travailler un jour avec nous. Quand on y pense, c’est même dangereux par rapport à l’incertitude de l’économie », indique Claude Walter. Dans ses locaux d’Illkirch-Graffenstaden, le patriarche est accompagné de Catherine, son épouse, qui s’occupe de l’administration. À cela s’ajoutent ses trois enfants : Chloé, commerciale, Adeline, en charge du marketing et de la communication, ainsi que Terry qui réalise des crash-tests dans le bureau d’études. La famille précise cependant que la force principale de l’entreprise est d’avoir su s’entourer d’une équipe dynamique et pluridisciplinaire dont l’entente fait la performance.


www.r-sons.com


Par Fabrice Voné
Photos Christophe Urbain