L’œil qui brille

Pleins feux sur la maison Arthus Bertrand et ses collections à haute valeur patrimoniale et sentimentale. De l’art des médailles honorifiques aux codes signatures des récentes lignes joaillières scandées avec acuité depuis deux ans par Camille Toupet, sa directrice artistique. Rencontre.

Camille Toupet © Isabelle Bonjean / Yannick Le Merlus

Combien de rubans épinglés aux revers d’une veste, et combien de trophées et de bagues de promesses portées, avant que Camille Toupet ne se plonge dans les passionnantes archives d’Arthus Bertrand et n’imprime sa signature joaillière ? Une -petite incursion dans son CV cadencé s’impose. Après avoir fait ses classes mode à Esmod, et marketing au FIT à New York, puis développé l’accessoire chez Loewe et Rochas, ce fut l’ouverture en 2000 à Paris de son propre studio de création, avec une envie chevillée au corps : se spécialiser en haute joaillerie. En résulte moult collaborations et best-sellers à succès, de –Seventies chez Dinh Van, un simple anneau de porte-clé détourné de la plus poétique des manières, à Monogram Galea chez Louis Vuitton, un délicat travail sur le souvenir et l’effacement, ou encore Galea, le redesign du premier bijou de Baccarat, jusqu’à des pièces d’exception pour Boucheron et Mikimoto. Aujourd’hui, chez Arthus Bertrand, l’exercice est tout aussi ciselé mais son rôle y est plus holistique : « Je travaille aussi bien sur l’ensemble des collections que sur les vitrines, la communication, le merchandising. Mon rôle consiste à définir une identité artistique sur l’ensemble de ce que la marque émet comme signes. Je donne le ton.» 

Comédie. Un joyeux mix d’acrobaties aériennes à composer à l’envi sur une chaine faisant écho à l’agrès des saltimbanques. Un discret tintinnabulement de médailles de taille et de symboles variés estampés sur or, argent ou vermeil, azimutant aussi des bracelets et des boucles d’oreilles. © Isabelle Bonjean / Yannick Le Merlus

C’est avec cette liberté d’action périphérique qu’elle a pu redéfinir le statut de joaillier de cette maison, réputée pour son savoir-faire de médailleur et d’orfèvre, précieuse passeuse de récompenses honorifiques et de témoignages de sentiments. N’y a t-il pas le monde entier, entre une toute petite médaille de naissance et la croix de la Légion d’honneur ? « Arthus Bertrand n’est pas seulement une maison de joaillerie, ils ont différents métiers associés qui donnent finalement un patrimoine assez différent de ce que l’on peut trouver chez Boucheron, Van Cleef ou autres. C’est très intéressant de se dire : « Comment je vais le transposer en bijoux ? »En bijoux féminins de surcroitArthus peut parfois avoir une connotation masculine, l’important était de vraiment réussir à faire de la joaillerie féminine, qui donne envie et soit bien faite ».

Et leurs valeurs ne transigent ni sur la fabrication – 100% artisanale et française, dans les ateliers à Saumur – ni sur l’éthique : « On ne travaille qu’avec des fournisseurs certifiés RJC. Dans le milieu de la joaillerie c’est quelque chose de très important, on a des niveaux d’exigence, que ce soit pour la traçabilité des pierres, de l’or recyclé et le respect des matières premières et des humains, autant de piliers de la politique RSE de la maison. C’est important et très réel !  » 

Dès lors, on peut aisément comprendre sa délectation à s’immerger dans ce patrimoine inédit et élaborer de nouvelles créations joaillières : « Nous avons une formidable chambre des matrices, des pépites vraiment extraordinaires… Aujourd’hui, la première phase de travail est passée, c’est-à-dire mettre en place un certain nombre de lignes de joailleries, ou d’autres en argent et vermeil qui se finalisent. De même que développer un nouvel intérêt pour la médaille, qui ne soit pas uniquement classique et religieuse. La médaille est aujourd’hui très à la mode, on est très légitimes dans ce domaine.» La sélection qui suit le prouve, pile dans le goût de l’époque.

Quant à leur solaire boutique strasbourgeoise, nichée elle aussi depuis deux ans au cœur du quartier historique, lorsqu’on découvre que la façade de cette belle bâtisse de style rococo fut reconstruite en 1751 par un orfèvre et s’orne au rez-de-chaussée de mascarons représentant des allégories, l’un des thèmes de prédilection de la maison, on se plait à croire que les hasards, comme les rubans, ça crée des liens.


Arthus Bertrand,18, rue du Dôme à Strasbourg. Tél : 09 70 97 02 77


Par Myriam Commot-Delon
Photos Isabelle Bonjean / Yannick Le Merlus