Dans ce goût-là

Les inclinaisons et les intérêts de chaque individu sont liés à leur histoire. Ceux de Nesibe Yavuz, jeune créatrice alsacienne d’origine turque, oscillent entre son goût de l’autre, le beau inattendu et son envie de créer un espace de rencontres avec d’autres artisan·e·s de sa génération au sein de sa marque de bijoux Sibé Collective.

Nesibe Yavuz
Autodidacte, Nesibe Yavuz a créé sa marque de bijoux Sibé Collective en 2020 après un virage professionnel. © DR

Amatrice de design et d’art, Nesibe, la trentaine à peine, affectionne tout particulièrement de se laisser guider par sa double origine, mais aussi par l’imperfection et le « beau » qui surgit là où on ne l’attend pas. À l’instar de son virage professionnel, qu’elle évoque avec la fierté de celles et ceux qui ont eu le courage de tout balayer d’un revers de main pour réaliser leurs rêves. « Après avoir présenté le barreau de Strasbourg, j’ai finalement été rattrapée par ma fibre artistique et j’ai suivi des cours de stylisme à Istanbul, fait un stage formateur chez Dice Kayek et enchainé plusieurs jobs dans la mode avant de créer Sibé Collective en 2020. Au final, ce diplôme de juriste, l’éducation de mes parents et mon parcours scolaire puis universitaire (à Strasbourg, de l’institution La Providence au lycée international des Pontonniers, ndlr) m’ont donné une rigueur, une conscience écologique et une curiosité très utile pour initier ma marque». Un slash de cultures qu’elle cultive aujourd’hui en faisant fabriquer ses bijoux en argent par un artisan stambouliote, mais en veillant toujours à rester à Istanbul le plus longtemps possible pour limiter au maximum son empreinte carbone. 

Son ADN ? Ne garder que l’essentiel, tout comme ses artistes préférés : Brancusi, Calder, Barbara Hepworth, Jean Arp ou l’œuvre dessinée au pinceau de Matisse découverte au tout début de ses études : «C’est fou, avec juste quelques lignes, il évoque un visage! C’est cette extrême simplicité linéaire que je recherche à atteindre quand je dessine mes bijoux». Sans oublier une attirance récurrente pour le daté élégant, qu’elle photographie quotidiennement pour nourrir son feed instagram : « J’aime capturer les détails inattendus qui m’en évoquent d’autres, comme l’élégance des personnes âgées issues de milieux modestes ou de l’immigration. De simples passants photographiés le plus souvent de dos et dont j’étudie avec attention les camaïeux de leurs tenues. D’ailleurs, je m’habille un peu à leur manière!».

Un goût pour l’extrinsèque qu’on retrouve également dans ses rencontres ou ses lectures : du collier Hypnos, sa première collaboration – une interprétation d’un des vases phares de la céramiste Morgane Pasqualinijusqu’aux contours stylisés de sa collection Fleur, inspirés du poème Élévation de Charles Baudelaire dont on citera ici les derniers vers : « Celui dont les pensers, / comme des alouettes, / Vers les cieux le matin prennent un libre essor, / – Qui plane sur la vie, et comprend sans effort / Le langage des fleurs et des choses muettes! » Porter à ses lobes un poème, beau, non ? 


sibecollective.com
@sibecollective


Par Myriam Commot-Delon

Collier-vase Hypnos / Boucle d’oreille Fleur / Photographie personnelle © DR
Collier-vase Hypnos / Boucle d’oreille Fleur / Photographie personnelle © DR