Guillaume Besson, la mémoire neuve

Aux Funambules, une étoile au Guide Michelin depuis 2019, Guillaume Besson propose des assiettes aux subtils équilibres : il y a là un peu d’Asie, beaucoup de parfums (et des notes bien relevées), des cuissons qui respectent infiniment le produit et une attention particulière portée au circuit court. C’est que, pour le chef (comme pour toute une génération d’ailleurs), il est davantage question d’humain.

Guillaume Besson, chef cuisinier, restaurant les Funambules à Strasbourg et son couteau.
Guillaume Besson, chef du restaurant Les Funambules, rue Geiler à Strasbourg. Photos : Christophe Urbain

Les associés Guillaume Besson, le chef, et Jean-Baptiste Becker, le sommelier, viennent d’achever le service de midi. Lorsqu’ils nous accueillent, le restaurant a retrouvé son calme mais la passion y demeure bien vivace.

Guillaume évoque un parcours atypique, sur le tard, Bas S, fac d’histoire, BTS publicité, puis arrive (enfin) l’école hôtelière : « J’ai toujours été gourmand, gourmet, épicurien et d’une curiosité intense. » Intense, pérenne, et quel que soit le domaine. C’est comme cela que commence le chemin du chef étoilé.
À 23 ans, Guillaume apprend la technique, à l’école, dans les livres, à la maison, avec des vidéos, sur le terrain. Chez Coutanceau à La Rochelle, où les produits arrivent avec les pêcheurs à bicyclettes, poissons du jour flanqués dans les sacoches. Sur l’île d’Oléron, première place de chef à la bonne école de 120 couverts, Au Crocodile, les sauces d’Émile [Jung] et de son second, et enfin au Clos des Délices à Ottrott : « Là, j’ai pu tester, assez librement. »

Ce qu’aime Guillaume, c’est la haute voltige, l’art de créer, sans pesée, sans possibilité de reproduction, entrer dans le processus et être toujours en mouvement, exercice perpétuel de l’esprit et des sens. « J’ai mon catalogue mental de recettes de base et je les module ; une purée de pommes de terre, je vais la décliner au choix avec de la crème, du café, du parmesan, de la livèche, du beurre fumé, de l’huile de noisette, des zestes de citrons, etc… »
Soigner les contrastes, les nuances subtiles, découvrir des mariages insolites de saveurs astucieusement associées et dosées, explosives ou concentrées. C’est une cuisine différente, qui agite l’émotion poétique, une cuisine impressive, nourrie de voyages – Inde parfumée et hallucinée, Asie à la minute et odorante – et toujours de curiosité. « Le produit vient toujours avant l’idée, je convoque ma palette de goûts et de textures pour associer, changer, parfois au dernier moment. Tout est cuit minute, la fraîcheur est un marqueur de différence, je ne fais jamais rien à l’avance, mais un petit peu tous les jours. Mon identité est dans ce fil conducteur, une petite touche asiatique, une cuisine de l’instant qui est devenue une force. J’ai un mode de fonctionnement particulier et ma finesse de l’association s’appuie sur la force de l’équipe et sur la technique. »

Au-delà des circuits courts, Guillaume est en quête de l’unique, du sur-mesure, c’est aussi ce qui détermine ses choix : « Je cherche la gourmandise, la rencontre avec le produit c’est aussi la rencontre avec le producteur, bio, local ou pas. Ma maraîchère est Marthe Kehren, hiver comme été, Alain Kleinbeck pour les agrumes, Julien Zimpfer pour l’agneau et le fromage de chèvre, la Ferme Schmidt pour les canards, Mikael Rochel pour le cochon et le bœuf… Je reste surtout fidèle à l’humain et au bien fait. »

C’est de cette combinaison rare qu’est née l’excellence. « Lorsque je cuisine, c’est vraiment de l’ordre de l’expérience, les goûts et les associations sont inscrits dans ma mémoire, les émotions y restent après des années de travail, c’est une impression sensible qui s’associe à quelque chose d’autre… »
Inutile de rechercher le sens contenu dans cette toute petite, adorable et délectable, madeleine qui accompagne le café et vient clore le repas ; sceau des émotions longtemps gardées en mémoire.


Les Funambules
17, rue Geiler à Strasbourg


Par Valérie Bisson
Photos Christophe Urbain