Le seul salut : « mettre la main à la pâte. » Donc le travail de cuisinier qui, de leurs dires, se fait de plus en plus rare à la sortie de l’école. Certains vantent « la voie de l’apprentissage » : « c’est dans le faire qu’on apprend. » Eux ont fait et refait, parfois dans la douleur : les humiliations et autres brimades, parfois violentes, sont monnaie courante dans les coulisses de la voie lactée. On entend parler d’une purée ratée ingérée en totalité par un malheureux, de mises en place totalement refaites à quelques minutes de l’ouverture, de « coups de torchon », « d’insultes » ; la pression est telle que certains, dont Olivier Meyer, ont préféré quitter les grandes cuisines pour se mettre à leur compte. « J’ai été puni, humilié, frappé aussi, c’est sûrement pour ça que j’ai choisi de ne pas avoir de restaurant… quoique j’y reviendrai prochainement [avec des amis, il ouvrira un restaurant à la Manufacture des tabacs, ndlr]. Je pense que si une équipe est soudée, s’il y a une bonne ambiance et qu’on déconne, les coups de feu peuvent être mieux encaissés. »
Répètent-ils les mêmes travers ? La violence, non. Mais le stress reste communicatif :« Difficile de trouver le juste milieu », selon Xavier. Pour Bérangère,« c’est un métier particulièrement dur. Que tu sois fatigué, qu’il fasse chaud, que tu aies un coup de mou dans ta vie perso ou un service difficile avec des clients désagréables, il faut sortir une assiette, la plus parfaite possible. La cuisine, c’est un truc hyper personnel, tu y mets tes tripes alors tout se mélange et parfois ça pète. » « Et puis on le dit aux jeunes à l’embauche, précise Anouk, on n’a pas le temps de faire du social. » Romain Creutzmeyer ajoute, lucide : « Le problème aussi, c’est qu’on attend que les jeunes cuisiniers aient la même exigence que la nôtre, ce n’est pas possible. » Ils ont tous conscience d’être « un peu, voire carrément maso, allumés en tout cas ». Et Agata de compléter : « Allumés mais animés. »La passion.